Par Eric de NATTES

Jean, 7, 37-39

Parthes, Mèdes, Élamites, habitants de Judée, de Cappadoce et de la Mésopotamie, l’Égypte, Cyrène, la Libye, des romains, des arabes et des crétois… chaque année cette liste  hétéroclite qui mélange des ethnies, des langues, des régions, des cultures et sans doute les 3 continents connus de l’époque : Europe, Asie et Afrique, m’enchante ! Comme un inventaire à la Prévert. L’imagination s’enflamme, on se représente des tableaux pleins de couleurs : les marchés et le temple de Jérusalem, hommes et femmes avec leurs habits traditionnels, les langues, la foule, les bruits et les odeurs d’épices, et de produits exotiques. Car lorsqu’un pèlerinage a lieu, les marchands ne sont jamais loin…

Frères et sœurs, Babel était la face sombre, terrible, du désir de l’homme d’être Dieu. Se faire l’égal de lui, accéder à sa Toute-Puissance, fantasmée, monstrueuse, tous unis dans un projet totalitaire, la construction d’une tour effarante, un projet où l’humain est dissout dans une uniformité mortifère. Cette face sombre existe et existera toujours. C’est le fanatisme qui tue l’autre au nom de Dieu. Il naît de nos peurs inquiètes de ce qui n’est pas nous et qui nous fait basculer de l’hospitalité à l’hostilité. Au lieu d’avoir des entrailles émues devant tant de diversité, les entrailles se resserrent et se dessèchent, le cœur devient dur, les pensées se font amères et je commence à entendre les appels à un projet autoritaire, identitaire, la religion se fait politique.

Avec Pentecôte, c’est Dieu lui-même qui se donne à la multitude, dans sa diversité, dans un souffle qui fait trembler les portes closes, qui chasse la peur, qui se répand comme un feu qui réchauffe les cœurs et les esprits, et qui se fait entendre dans la multitude des langues et des cultures de l’homme.

D’emblée, frères et sœurs, l’Église naissante a fait exploser les marqueurs ethniques et sociaux. St Paul aux Galates : ‘’En Christ, il n’y a plus ni juifs ni grecs, ni esclaves ni hommes libres, ni l’homme et la femme, vous êtes un.’’ Le temps qu’il faut pour entendre cette parole dans notre Église et dans le monde ! Et les conséquences qu’on serait en droit d’en tirer.

Nous fêtions le retour du Christ vers le Père lors de la fête de l’Ascension. S’il devait y avoir un chef derrière qui se placer, c’était lui. Or, il a laissé la place vacante sur terre pour que nous inventions nos modes de gouvernance et de modération de la vie communautaire sans les sacraliser. Il ne nous a pas donné de Règles de vie ni de Constitution mais Il a envoyé l’Esprit !

L’Esprit qui nous fera souvenir de la vérité tout-entière. J’entends ces mots de deux manières :

. Se souvenir, c’est relire l’événement, réécouter les paroles, revoir la scène, la méditer, se l’approprier, la ruminer, et comprendre ce qu’elle signifie et que nous n’avions pas encore vu. C’est la base de la vie spirituelle (le mot religion, selon une de ses étymologie possible vient de ‘’recueillir’’) : ‘’Marie gardait ces événements dans son cœur et les méditait’’. Les évangiles sont bien une relecture, une méditation de la vie vécue avec Jésus, de l’événement Jésus, pour en comprendre la signification.

. Mais c’est aussi écouter ce que dit l’Esprit à notre esprit. Comment il se communique et permet d’entrevoir ce qui n’avait jamais été vu, d’entendre ce qui était resté inouï. Ce qu’un philosophe comme Bergson appelait l’imagination créatrice. Ici, c’est quelque chose de nouveau qui se produit : ce qui est en nous, mais qui n’avait pas encore jailli, qui n’était pas venu au jour, et qui se révèle et prend forme dans notre esprit éclairé par l’Esprit.

Père, envoie ton Esprit en abondance. Fait trembler les murs de l’Église et du monde. Éclaire l’obscurité des sachants, réchauffe le cœur des tièdes et de ceux qui ont peur, délie les langues des timides, attendris les entrailles des secs et des rigides, souffle sur ce qui ne bouge plus, enseigne les scribes et les docteurs de la loi qui veillent sur le dépôt sacré de la foi afin qu’il ne devienne pas un ‘’sacré dépôt’’, rassemble-nous joyeusement dans la merveilleuse diversité de nos langues, en notre terre, notre maison commune, notre Jérusalem en laquelle ‘’tout ensemble ne fait qu’un’’ !

Amen.

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