Par Jean-Claude SERVANTON

Matthieu 5, 1-12a

Je vous relis le début de ce passage de l’Evangile que nous appelons les béatitudes: « Voyant les foules, Jésus gravit la montagne. Il s’assit et ses disciples s’approchèrent de lui. Alors, ouvrant la bouche, il les enseignait. Il disait ‘Heureux' ». Je suis frappé par la longueur, la solennité de ce préambule… « Voyant les foules… » ces mots donnent une portée universelle à l’enseignement de Jésus. Par delà ses disciples, Jésus s’adresse aux foules. Aujourd’hui je vois ces foules qui vont envahir les cimetières, ces foules que nous croisons dans nos allées et venues, ces foules que nous voyons à la télévision. Ce sont à ces foules d’hommes et de femmes d’aujourd’hui que Jésus s’adresse. Il gravit la montagne. Nous ne sommes pas tous des montagnards. Nous ne connaissons pas tous le Sinaï et l’importance dans la Bible de cette montagne que gravit Moïse. Tous nous savons que la montagne est le lieu où le ciel et la terre se rejoignent. Chez nous, bien souvent, au sommet s’élève une croix. La montagne n’est pas un lieu comme les autres. La vue s’élargit, on souffle, on respire. Jésus s’assit… peut-être parce qu’il va parler longtemps, il touche la terre… s’asseoir est presque devenu un luxe aujourd’hui. Tout le monde court. Les messages importants ne peuvent s’entendre ou se dire en courant. Profitons de cette fête de la Toussaint pour prendre un peu de hauteur et nous asseoir. « Et ses disciples s’approchèrent… » Prendre de la hauteur, s’asseoir pour voir plus large, ne plus avoir le nez sur le guidon ou les yeux face à son écran. Prendre de la hauteur, s’asseoir pour s’approcher de quelqu’un qu’on suit, qu’on aime déjà… Jésus le Christ qui a quelque chose à dire, à nous dire. « Alors, ouvrant la bouche, il les enseignait. » Jésus pour parler ouvre la bouche… Plus d’éclairs ni de tonnerre comme au Sinaï. Dieu nous parle par la bouche d’un homme. Sa parole entre dans la communication humaine, celle du bouche à oreille. Au dessus du bruit, du tintamarre de nos allées et venues… Quelqu’un parle, Il brise le silence du ciel.
Et le premier mot qui sort de sa bouche, c’est heureux… qu’il répète neuf fois. Il n’énonce pas une nouvelle loi: « tu dois faire ceci, tu ne dois pas faire cela ». Jésus ouvre la bouche pour nous adresser les meilleurs vœux de Dieu son Père. Son enseignement est une bonne nouvelle. Elle est pour tous. Mais qui peut l’entendre? les gens repus, bien pleins? Le bonheur est promis à ceux et celles qui gardent au cœur le désir de rencontrer quelqu’un qui les console, quelqu’un qui dépasse la violence, quelqu’un de juste, quelqu’un qui fasse miséricorde, quelqu’un qui voit le cœur, quelqu’un qui apporte la paix. Le bonheur n’est pas de tout avoir, de tout pouvoir, de tout savoir. Le bonheur est promis à ceux et celles qui attendent une parole.
« Qui parle de bonheur a souvent les yeux tristes comme une corde brisée au doigt du guitariste… » dit le poète. Jésus parle de bonheur et ce bonheur il ne se contente pas de le dire, de l’enseigner, il va le vivre. Dans cet évangile des béatitudes, Il nous livre le programme de sa vie. Il est l’homme du bonheur de Dieu, l’homme rempli de la joie de Dieu. Au terme de sa vie il dira : « Je vous dis cela pour que ma joie soit en vous. » Les saints que nous fêtons aujourd’hui ont connu la joie de donner, de servir, d’aimer. Dans nos familles nous avons connu des proches qui ont connu cette joie, ce bonheur annoncé et vécu par Jésus.