Par Jean-Claude SERVANTON

Matthieu 6, 1-6, 16-18

« Ton père qui voit dans le secret te le rendra« . Le secret aujourd’hui n’est pas bien tenu. Plus vous montez sur l’échelle sociale, plus vos paroles, vos faits et gestes sont interprétés, décortiqués.

Mais ne portons pas nos regards sur les autres. Voyons ce qui se passe pour nous. Pierre CLAVERIE, évêque assassiné d’Oran a écrit un livre au titre étonnant « Je ne savais pas mon nom ». En fait des amis religieux ou religieuses ont rassemblé dans cet ouvrage plusieurs de ses enseignements, de ses prédications, qu’il a donnés au cours de retraites et de récollections. Sur les conseils d’une amie, je suis en train de le relire et cette lecture m’apaise. Cet évêque note que pendant bien longtemps il a vécu sous le regard des autres. Comme lui nous attendons des autres qu’ils nous accordent la récompense de leur reconnaissance, de leurs compliments. Notre vie risque d’être un spectacle où nous attendons les applaudissements. Nous vivons tambour battant et notre vie risque seulement de faire du bruit. Le seul secret est réussir. Et peut-on nous jeter la pierre? Nous cherchons à réussir, à être heureux, à nous montrer sous nos meilleurs atours… et pourtant nous savons bien que l’habit ne fait pas le moine. Et au début de ce Carême, nous apprenons de Jésus que même une vie vertueuse, faire l’aumône, prier, jeûner peut nous détourner de la vérité si elle est voulue seulement pour s’offrir aux regards des autres.

Mgr CLAVERIE alors nous dit qu’il a vécu ainsi jusqu’au moment où il a compris qu’il existait pour Dieu. C’est le cocher de Saint Jean Bosco qui aurait dit « pour lui j’existais ». Et voilà le début du secret. Quand vous vous êtes retirés du devant de la scène du fait des circonstances, quand vous devenez de plus en plus dépendant, comment chercherez-vous encore à vous faire un nom? Malgré encore quelques crispations, vient l’heure du lâcher prise. Vous existez toujours pour quelqu’un… votre cocher, votre entourage… vous existez pour Dieu. Lui peut voir dans le secret de l’arrière scène, les malades, les exclus, les pauvres… moi, nous.

Et là, près de la faiblesse, dans le secret parle quelqu’un, Jésus, le Christ. Celui-ci n’a pas demandé à ses disciples d’être des hommes vertueux, il leur a demandé de le suivre. Au début de ce Carême, il nous invite à le suivre, à poursuivre ce chemin sur lequel nous avons fait nos premiers pas au baptême. Notre vie est un passage où nous laissons entrer dans nos vies les manières secrètes de Dieu. Il ne faut pas, en jeûnant, en faisant l’aumône, gagner des vérités en nous appliquant à ces exercices de Carême. A la suite du Christ, nous ne jeûnons pas pour avoir une mine d’enterrement, jeûner pour être libre vis à vis d’une consommation qui risque de nous envahir, faire l’aumône pour être libre de donner sans compter et enfin prier dans le secret pour se mettre sous le regard de Celui qui nous fait exister. Et au terme, nous recevrons de notre Père notre nom, celui qui nous a été donné à notre baptême, celui de fils ou de fille de Dieu.