Par Amos BAMAL

Matthieu 4, 1-11

Ne succombons pas à la tentation.       

            Depuis mercredi dernier, nous avons commencé un temps fort de l’Eglise : le temps de carême, qui nous conduit à Pâques. Pendant cette période, l’Eglise nous invite au désert, lieu d’épreuve et de tentation, avant d’être celui de l’adoration. Lieu de la faim et de la soif, il est aussi celui de tous les mirages, des plus charnels aux plus spirituels.

            En ce premier dimanche de carême, l’Eglise nous propose de méditer à la fois sur la tentation d’Adam et d’Eve d’une part et sur la tentation de Jésus au désert d’autre part. Ici et là, il s’agit justement de faire face à la vie et à ses exigences en restant fidèle à la relation fondamentale qui nous lie à Dieu.

            Dans le souci de se réaliser et de s’accomplir en personne adulte et responsable, Adam et Eve doivent choisir : ou bien regarder et rechercher leur avenir en respectant les consignes données par Dieu, ou alors, suivre le mauvais conseil du Malin(serpent) et se donner un accomplissement et du bonheur en rejetant toute l’orientation tracée par Dieu à ce sujet. Le résultat nous le connaissons. Pour avoir choisi de se réaliser sans tenir compte de leur dépendance à Dieu, Adam et Eve se rendent subitement compte qu’ils sont nus, c’est-à-dire qu’ils n’ont plus ni valeur, ni dignité et que désormais ils sont voués à la mort. Une triste expérience que nous, leurs descendants, devons jamais perdre de vue : coupé de Dieu, nous perdons la vie et nous basculons dans la mort.

            Contrairement à Adam et Eve, l’attitude de Jésus face au diable nous montre comment vivre et nous épanouir en fils de Dieu, quelles que soient les tentations et les difficultés de la vie. En effet, lors de son baptême, Jésus a été solennellement reconnu Fils de Dieu par son Père. Poussé au désert par l’Esprit, il va se préparer à sa mission dans le jeûne et la prière. Après quarante jours il eut faim. Et c’est là où le diable va le tenter, le poussant à trahir sa dignité de Fils de Dieu en agissant non pas pour la gloire du Père mais pour son intérêt propre.

            Trois pièges fondamentaux que sont le désir de posséder, l’appétit de domination et la soif de la gloire sont tendus à Jésus. Le diable l’invite ainsi à prouver qu’il est Fils de Dieu en changeant les pierres en pains, en prenant le risque gratuit de faire un saut dans le vide à partir du sommet du temple, sous prétexte que Dieu va le protéger. Et pour finir, le diable pousse Jésus à l’idolâtrie en lui proposant toute la richesse du monde, à condition qu’il se prosterne à ses pieds pour l’adorer. Mais une autre voix en Jésus, lui fait voir l’avenir de l’homme au-delà de toutes les réussites matérielles. Plus encore que de pain et de vêtement, l’homme a besoin d’égards. Ce qu’il cherche par-dessus tout, c’est un regard qui lui parle avec des égards. Sommes-nous pour autant à l’abri des tentations ?

            Tous, nous sommes souvent victimes de ces tentations. Le désir de posséder incite beaucoup à miser leur vie sur l’avoir, avec le danger d’être asservi par la faim insatiable de posséder et de posséder encore et toujours des biens, de l’argent et du plaisir jusqu’à y perdre son âme. Le vertige de dominer incline certains à devenir de véritables tyrans, pervertissant l’autorité dont ils sont investis pour écraser et asservir les autres. L’ivresse des honneurs, de la gloire et du paraître poussent les hommes et les femmes à se faire courtiser.

            Nul n’est à l’abri de ces tentations qui insidieusement nous hantent à des degrés divers. Pour faire face au tentateur, Jésus cite sans cesse l’Ecriture :la Parole de Dieu est son arme invincible. Lue, méditée, intériorisée et vécue, la Parole de Dieu est une arme imparable contre le démon, un bouclier indépassable contre ses assauts. S’appuyer sur la Parole de Dieu devrait être pour chacun de nous un réflexe dans les moments de tentation et d’épreuve.

            Comme nous pouvons le constater, la tentation d’Adam et d’Eve, tout comme la tentation de Jésus nous renvoient à ce qui constitue le fond de toutes nos tentations : reconnaître notre dépendance à Dieu parce que c’est lui qui nous a donné la vie ou ignorer cette dépendance et organiser notre vie sans tenir compte du cordon ombilical qui nous relie à lui. Au début de ce carême, la Parole de Dieu nous aide à renouer avec les deux racines qui composent notre être profond : Adam et Eve, avec tout ce que cela sous-entend de faiblesse, de fragilité et de limite ; puis Jésus en qui « Dieu nous a choisis dès avant la création pour être ses fils adoptifs ».

            Dans la deuxième lecture de ce jour, l’apôtre Paul affirme à ce propos que « de même que tous sont devenus pécheurs parce qu’un seul homme a désobéi, de même tous deviendront justes parce qu’un seul homme a obéi ».Eclairés donc par la tentation de Jésus et d’Adam et Eve, engageons-nous pendant ce carême à vivre comme fils de Dieu en repoussant énergiquement tout ce qui peut nous conduire au péché et en recherchant en toutes circonstances ce qui contribue à la gloire de Dieu, comme le Christ l’a fait devant les assauts du diable. Jésus est venu révéler aux hommes la nouvelle proximité de Dieu. Une telle mission ne conduit pas au désir de puissance, elle ne met pas Dieu au service des ambitions de l’homme, mais elle porte l’ambition de l’homme à la hauteur de Dieu.

            Que ce temps de carême soit pour nous le temps où nos cœurs se dépouillent de leurs désirs de posséder et de dominer pour vivre dans la sainteté de Dieu.

 

                                                                           Amen.