N’oublie pas de caresser le dossier de ta chaise !
Par Christian DELORME
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La foi est une relation intérieure de confiance en Dieu, le Vivant, Créateur de tout ce qui vit. Elle s’exprime par des pensées, des attitudes, intérieures et extérieures. Elle est à la fois accueil d’un don (disposition à accueillir en soi la Grâce de Dieu) et le résultat d’une éducation (celle que nous avons reçue et continuons de recevoir, mais aussi celle que nous nous imposons).
Ce long week-end du 1er mai, j’ai retrouvé, à l’occasion d’un rassemblement interconfessionnel en Ardèche, deux maîtres musulmans soufis auxquels je suis lié de longue date, Cheikh Khaled Bentounes et Cheikha Nur Artiran. Cette dernière, rare maître féminin de la confrérie des derviches tourneurs (des disciples du mystique persan du XIIIème siècle Djalâl ad-Dîn Rûmî) nous a partagé divers conseils. Parmi eux, celui-ci : « Si tu veux vivre dans l’action de grâce et point dans le mécontentement permanent, n’oublie pas de caresser le dossier de la chaise sur laquelle tu vas t’asseoir et qui va devoir te supporter, et n’omets pas d’embrasser, le matin et le soir, le vêtement dont tu auras eu besoin pour couvrir ton corps ».
Cela peut paraître un peu loufoque… et pourtant ! Quand nous autres, prêtres, revêtons l’étole, signe de la charge pastorale que nous avons reçue de l’Eglise et qui nous relie au Christ, vous aurez remarqué que nous l’embrassons toujours ; de même lorsque nous la quittons. Enfant, j’ai appris de ma grand-mère maternelle qu’il faut toujours faire un discret signe de croix sur le pain avant de l’entamer, pour remercier Dieu de pouvoir bénéficier de cette nourriture si précieuse. Et, résultat de cette même éducation, je ne jette jamais un morceau de pain qui n’est plus consommable sans l’avoir auparavant embrassé pour lui demander pardon de le traiter ainsi.
Ces gestes ne sont pas désuets : ils contribuent à façonner notre esprit, à entretenir notre foi et à la faire vivre. Si l’esprit de gratitude habite nos cœurs, nous encourrons moins le risque de nous montrer amers ou encore méchants. Si la mémoire de Dieu nous habite, Il sera vraiment avec nous !