Par Christian DELORME

Matthieu 28, 1-10

Il est ressuscité celui que vous cherchez !  

Vous vous en souvenez : dans le récit qu’il nous a laissé du moment de la mort de Jésus, l’évangéliste Matthieu rapporte que, après que celui-ci a rendu l’esprit, « le voile du sanctuaire (du Temple de Jérusalem) se déchira du haut en bas ; la terre trembla, les rochers se fendirent ; les tombeaux s’ouvrirent… » (Matthieu 27, 50-51). Ainsi nous donne-t-il une lecture cosmique de la mort de Jésus. Cette mort est bien plus qu’une mort habituelle, si j’ose dire : c’est une mort – celle du Fils de Dieu – qui vient secouer toute l’humanité, et même plus que l’humanité : toute la Création !

Dans sa relation de la visite des femmes disciples de Jésus au tombeau, de nouveau Matthieu convoque le ciel et la terre. Il rapporte « un grand tremblement de terre », et rien moins que la descente, à partir du ciel, d’un messager de Dieu tout vêtu de blanc. Celui-ci, « qui avait l’aspect de l’éclair », s’employa à rouler la pierre qui fermait l’entrée du tombeau et il s’assit dessus, suscitant l’épouvante chez les soldats que le procurateur romain avait placés en ce lieu, les rendant « comme morts ». La description donnée par Matthieu, tend elle aussi à nous faire percevoir combien l’évènement de la Résurrection de Jésus, est un événement qui vient tout transformer, tout bouleverser. Avec elle, c’est la destinée des êtres humains qui est complètement changée. Eux qui, jusque-là, étaient voués à une mort éternelle, les voilà à présent promis, avec le Christ, à une existence éternelle dans le sein même de Dieu ! Pour la première fois dans l’histoire de la Création, la mort a été traversée, la mort a été vaincue, la mort est devenue passage et non plus point final.

Dans ce récit, l’extraordinaire, cependant, se conjugue avec l’ordinaire, comme cela s’est passé au moment de l’Annonce faite à Marie, à l’occasion du baptême de Jésus par Jean le Baptiste, ou encore lorsque Jésus est apparu transfiguré, au sommet d’une haute montagne, à Pierre, Jacques et Jean fils de Zébédée. Ici, deux femmes disciples de Jésus, Marie de Magdala et Marie mère de Jacques le Petit et de Joset, sont venues au tombeau un fois le sabbat terminé. Ces femmes ne peuvent se résoudre à la séparation d’avec le Seigneur. Elles refusent que le lien qui les unissait au rabbi nazaréen soit rompu. Elles veulent continuer à faire vivre la relation qui s’était établie, comme nous lorsque nous nous rendons sur les tombes de nos parents défunts. Et voilà qu’une grande annonce leur est faite : « Ne craignez point, vous ; je sais bien que vous cherchez Jésus, le Crucifié. Il n’est pas ici car il est ressuscité comme il l’avait dit. Venez voir le lieu où il gisait, et vite allez dire à ses disciples « Il est ressuscité d’entre les morts , et voilà qu’il vous précède en Galilée, c’est là que vous le verrez » (Matthieu 28, 5-6).

Il n’y a pas de corps mort dans le sépulcre, point de corps dégradé. Le vide du tombeau vient déjà dire que la mort a été vaincue. Mais, surtout, il y a l’annonce faite aux femmes : « Il est ressuscité celui que vous cherchez, et il vous attend déjà ailleurs, dans votre pays de Galilée, là vous le verrez ! ». Car la Résurrection de Jésus n’est pas, davantage que sa mort, une fin : c’est le début d’autre chose, le début d’une nouvelle aventure pour les disciples et, au-delà, pour tous les croyants ! Nous le redirons dans un instant en confessant ensemble notre foi baptismale   « Il est mort, est descendu aux enfers, est ressuscité d’entre les morts, est monté aux Cieux, est assis à la droite du Père d’où il reviendra pour juger les vivants et les morts ». Les Evangiles ne s’en tiennent pas à la Résurrection : ils parlent aussi de l’Exaltation de Jésus ressuscité. Pour Jésus, la résurrection, en effet, est retour vers le Père, retour dans la vie divine. Et c’est ce qui nous est promis à nous aussi : notre exaltation dans la Gloire du Père, dans la Vie même de Dieu.

En cela réside la « Bonne Nouvelle », « l’Heureuse Annonce » de la Résurrection de Jésus : elle n’est pas que pour lui (ce en quoi elle n’aurait aucun sens) : elle est inauguration d’un autre avenir pour les hommes que Dieu aime. Dans son Epitre aux Romains, l’apôtre Paul le souligne : « Car la création en attente aspire à la révélation des fils de Dieu ; si elle fut assujettie à la vanité non qu’elle l’eût voulu, mais à cause de celui qui l’y a soumise, c’est avec l’espérance d’être elle aussi libérée de la servitude de la corruption pour entrer dans la liberté de la gloire des enfants de Dieu » (Romains 8, 19-21). Je vous concède que c’est exprimé dans un langage un peu compliqué à saisir rapidement ! Ce que Saint Paul dit là, c’est que, avec l’offrande du Christ sur la croix et avec sa Résurrection d’entre les morts, nous pouvons désormais croire que, nous aussi, nous avons un avenir de ressuscités et, surtout d’exaltés ou de glorifiés. Ayant pris notre condition d’être humain, le Verbe éternel a assumé toute la dimension charnelle de celle-ci. En retournant vers le Père, il reste membre de cette humanité, mais un membre libéré des limites du temps et de l’espace qui sont notre lot présent. Son retour dans la Gloire divine, dès lors, devient promesse de glorification pour nous aussi.

La Résurrection de Jésus n’est pas un évènement ponctuel qui n’intéresserait que la personne de celui-ci, que sa survie. Ce n’est pas l’histoire d’un « super héros »  destinée à nous distraire ou à nous faire rêver ! Il s’agit bien d’une révolution dans l’évolution de la Création ! Une révolution de l’Amour ! Toujours dans son Epitre aux Romains, Paul l’affirme avec force, certes dans son langage : « Oui, j’en ai l’assurance, ni mort ni vie, ni anges ni principautés, ni présent, ni avenir, ni puissances, ni hauteur, ni profondeur, ni aucune créature ne pourra nous séparer de l’Amour de Dieu manifesté dans le Christ Jésus notre Seigneur » (Romains 8, 38-39).

Cette Résurrection de Jésus n’est pas, non plus, un événement qui concernerait uniquement l’avenir du monde, uniquement notre avenir ou notre futur, soit l’au-delà de notre vie actuelle. C’est un événement qui vient transformer notre présent. Car si Dieu, en Jésus Christ, s’est manifesté comme celui qui assure le triomphe de la vie sur la mort, le triomphe de l’amour sur les forces du mal, c’est aussi pour que, dès aujourd’hui, avec le secours du Christ Ressuscité et de son Esprit, nous soyons vainqueurs de tout ce qui nous détruit chaque jour un peu… ou beaucoup, vainqueurs de tout ce qui abime l’humanité et la Création de manière plus globale.

Notre résurrection, au vrai, peut être envisagée comme un processus, une longue marche en compagnie du Christ Ressuscité, une progressive transformation de notre être mortel. Chaque fois que nous laissons grandir la présence du Christ en nous, chaque fois que nous vivons de l’Evangile des Béatitudes, chaque fois que nous faisons reculer le mal qui est dans le monde au bénéfice du bien, alors oui nous sommes dans un processus résurrectionnel ! Puis-je vous y inviter ce soir, Chers Amis : revêtez, dès à présent, les habits intérieurs des ressuscités que vous pouvez commencer à être, et offrons-nous déjà, les uns aux autres, des visages de ressuscités ! Heureux temps pascal !