Par Eric de NATTES

Matthieu 2, 1-12

Liturgie « païenne » : des mages venus d’Orient qui déposent de l’or de l’encens et de la myrrhe aux pieds du roi, divinisé. Liturgie royale classique dans l’Orient ancien. On comprend bien que Matthieu est en train de dire son espérance : le message de cet enfant, sa voix, va porter aux confins de la terre et toutes les croyances s’en trouveront touchées, interrogées. De plus ce roi qui vous fait trembler de son palais, – Hérode le « Grand » – n’est qu’une caricature monstrueuse de royauté aux yeux de Dieu. Le roi véritable est dans cet enfant vulnérable. Et puis cette étoile qui vous guidait depuis le ciel et les astres où vous cherchiez Dieu habituellement, vous mène désormais à l’humain, temple du divin. On quitte d’ailleurs Jérusalem et son Temple pour entrer dans la « maison », qui, chez Matthieu signifie la communauté des disciples. Dieu ne se cherchera plus dans les étoiles, pas plus que dans les temples, mais au plus profond de l’homme. Quelle révolution en marche !

On peut cependant actualiser le message. En finit-on de convertir en chacun de nous, à chaque génération, ce qui reste de paganisme, de religion de la nature, à l’Evangile ? Ne demande-t-on pas à l’enfant de nous accueillir tels que nous sommes (la Samaritaine, un centurion romain, une Syro-phénicienne, un chef de synagogue, un collecteur d’impôts…). Car c’est la rencontre qui peut changer nos regards, nos pratiques.

Quand cesserai-je, quand tout va mal, d’invoquer l’idole en me demandant ce que j’ai pu faire pour mériter tout cela comme si tu m’éprouvais, alors que Tu es avec moi au cœur de l’épreuve ? Quand cesserai-je de demander un souverain à qui je peux remettre ma propre royauté pour la lui contester ensuite, au lieu de regarder l’enfant qui appelle ma responsabilité et mes actes, donc ma royauté de service ? Quand cesserai-je de sacrifier des choses extérieures à moi pour m’attirer Tes bonnes grâces, alors que la seule offrande qui vaille est celle de ma propre vie dans la bienveillance, l’amour ? Quand cesserai-je de Te chercher dans l’extraordinaire, le surnaturel, le miraculeux qui m’impressionnent alors que Tu te manifestes dans la fragilité qui réclame mon attention ?

Tu es patient, Tu accueilles mes offrandes maladroites, mes croyances ambiguës, mes prières intéressées, car elles sont pleines de mon humanité désemparée. Apprends-moi à Te rencontrer dans ton Evangile, à Te reconnaître là où Tu es, à T’accueillir là où Tu te donnes. Convertis-moi.

 

Les trois cadeaux

Interprétables à l’infini…

. Et si l’or représentait ce qui est précieux pour moi, ce qui a de la valeur. Mais alors Seigneur, si je le dépose à tes pieds est-ce que j’accepte de m’interroger sur ce qui est précieux pour Toi ? Sur ce qui a de la valeur et du prix à Tes yeux ? Il ne s’agit pas de culpabilité sur l’argent. C’est tellement plus profond. Suis-je prêt, à tes pieds, à m’interroger vraiment sur ce qui fait le prix véritable de mon existence ? Suis-je prêt à me laisser bousculer pour ne pas me laisser séduire par tout ce qui n’est que moyen et parfois même illusion ? Comme dit le psalmiste : « apprends-moi la vraie mesure de mes jours ».

. Et si l’encens était ma prière qui s’élève vers toi ? Est-ce que je prends le temps d’entrer en moi-même pour être vraiment en relation avec Toi ? Est-ce que je prends le temps de me présenter devant Toi ? De Te dire mes inquiétudes, mes peurs, mes espoirs, ce qui me fait honte et ce qui me fait vivre, ce qui me réjouis et me rend fier ; bref, de porter vraiment tout mon désir devant Toi, pour que ma prière ne soit pas que phrases, mais ma vie que je dépose en la recueillant devant Toi. Alors peut-être entendrais-je Ta voix au creux de ma conscience.

. Et si la myrrhe avec laquelle on embaumait les morts était l’image de ma finitude. Je ne ne suis que cela ! La finitude de mes espoirs d’homme, la peur de mes échecs, l’inquiétude face à l’amour si fragile et fuyant, la désolation devant mes infidélités, l’amertume devant ma médiocrité ou ma lâcheté à garder haut les luttes de ma vie… bref, tout ce qui meurt en moi, tout ce qui est obscurité et que je n’aime pas en moi. Et pourtant, au cœur de tout cela, mon désir de vivre et d’aimer. Ne dois-je pas déposer tout cela à Tes pieds, t’en parler pour que je sente Ton regard à Toi sur tout cela. Et que je ne désespère pas. Pour que Tu me redises que tout peut renaître, qu’il ne me faut pas avoir peur du chemin pascal, de la Croix.

 

Alors Seigneur, je ne suis pas un mage, je suis un homme et rien que cela. Mais je voudrais déposer mon humanité à tes pieds. Je veux vivre avec Toi. Je veux renaître comme Toi. Je veux traverser l’épreuve à tes côtés. Je veux chasser la peur par ta présence. Donne-moi la foi, la confiance et l’amour qui viennent de Toi.