Par Eric de NATTES

Matthieu 3, 13-17

Trois mouvements dans cet évangile : De la Galilée au Jourdain, une plongée au fond de l’eau, une remontée de l’eau alors que le ciel s’ouvre.

Trois paroles : Celle de Jean, celle de Jésus, celle du Père.

 

Premier mouvement : Jésus, le Galiléen se déplace vers le Jourdain. Le baptême est un déplacement, un chemin, une démarche. Le baptême de Jésus est le mouvement de sortie de sa vie cachée, à Nazareth, avec sa famille, pour entrer dans sa vie publique, comme prédicateur. Il accomplit désormais une mission. Sa vie a un sens, un but.

Déjà, le baptême de Jean supposait que l’on se déplace de Jérusalem et de toute la Judée pour venir se repentir de ses fautes et inaugurer une vie nouvelle. Si chacun de nous, naît bien des eaux maternelles qui nous ont portés. Le baptême est une démarche spirituelle par laquelle nous sommes invités à renaître comme Fils et Fille du Très-Haut. Et cela demande un chemin, un engagement, une réflexion, un consentement, un choix. La naissance du sein de la mère est naturelle, le chemin que l’on engage vient d’un choix.

Il y aura d’ailleurs des malentendus et des tensions entre Jésus et sa famille sur ce chemin qui l’a fait sortir de Nazareth et d’un anonymat confortable, pour le conduire jusqu’à Jérusalem selon la fin que l’on connaît.

 

La plupart d’entre nous ont été baptisés nourrissons. Au nom de la foi de leurs parents. Et pour certains d’entre nous, le baptême n’a pas été une évidence tranquille, mais un choix qui a été posé, reformulé, assumé, une fois devenu adolescent, ou adulte. Ce choix nous a déplacé intérieurement. Il est intéressant de constater aujourd’hui combien l’effacement progressif de la religion héritée pose à nouveau la question du choix et de la liberté. Je me réjouis à l’avance des deux baptêmes d’adultes (Jennifer et Sandra) que nous allons accompagner au cours du carême qui vient ainsi que du baptême d’enfant en âge scolaire qui se prépare, celui d’Alice.

 

Deuxième mouvement : Jésus demande à Jean le baptême – être plongé – comme les autres, dans l’eau du fleuve. On sent l’embarras des premiers chrétiens à travers les paroles de Jean. Pourquoi Jésus aurait-il eu besoin d’un baptême de conversion ? Quels péchés avait-il à se faire pardonner ? Aurait-il besoin lui aussi d’une purification ? A ce stade du récit, on a du mal à comprendre la réponse de Jésus : « Laisse faire pour le moment, car il convient que nous accomplissions ainsi toute justice. » De quel justice parle-t-il ?

De celle de Dieu. Alors que Jean le Baptiste annonçait un Dieu qui allait jeter au feu qui ne s’éteint pas, tout ce qui n’était que paille, tout ce qui n’était pas bon grain, un Dieu qui allait passer par la hache tous les arbres qui ne portaient pas de fruits, voilà qu’en Jésus ce Dieu va s’identifier aux « petits » : enfants, exclus, lépreux, malades, aveugles, et même aux pécheurs. Pourquoi ? Pour leur montrer qu’un amour qu’ils ne soupçonnent pas – que personne ne peut soupçonner puisqu’il va jusqu’à aimer l’ennemi – peut les relever, les faire renaître, les transformer, leur permettre de vivre. Leur dire que la vie, la vie véritable, pas seulement la survie, nulle institution ou loi, n’a de prise sur elle, et même pas la mort elle-même. Ne pas avoir peur et aimer.

Le baptême ne nous met pas au dessus des autres ou à l’écart comme le voulaient les pharisiens. Il nous plonge au contraire dans la réalité de ce qui meurt : notre violence, nos peurs, nos condamnations, nos aliénations, pour nous inviter à prendre le même chemin que Jésus. La justice de Dieu ne cherche pas à condamner mais à faire renaître pour vivre vraiment.

Le baptême n’a pas protégé Jésus de la violence de ce monde, de l’injustice de ce monde, et de la condamnation à mort, parfaitement injuste et atroce. Aucun rêve de magie dans le baptême !

 

Alors… ? Ce geste d’humilité, cette descente, ce consentement au chemin de vérité qui s’ouvrait le désigne par La Voix – le Père – comme Fils de Dieu, Fils du Très-Haut.

Alors Jésus remonte de l’eau. Parce qu’il accepte d’être le serviteur qui va porter les souffrances, les exclusions, les maladies, le péché de l’homme, sa mort elle-même, pour le relever, le libérer, le guérir, le réintégrer, le faire renaître, lui donner le pardon… oui, parce qu’il accepte ce chemin-là, cette plongée, alors il est attesté comme Fils de Dieu par l’Esprit, et son nom sera désormais au-dessus de tout nom. Il est « Jésus » : le Seigneur sauve. En lui, c’est bien le règne de Dieu qui s’est approché de nous.

 

Alors le baptême est bien la vie véritable, la vie divine qui est donnée. Pas seulement la survie. Seigneur, je te rends grâce pour ce peuple nombreux qui accompagne la vie, la soigne, la protège, l’accueille, la réconforte, lui pardonne, l’héberge, l’enseigne… Ils accomplissent toute justice et seront aussi déclarés Fils et Filles de Dieu ainsi que tu le diras Seigneur, dans tes Béatitudes.