Par Eric de NATTES

Jean 20, 19-31

 Thomas

Partage d’Évangile avec les les 18/30 ans : je retiens 3 moments de notre échange :

Maintenir les péchés, est-ce bien évangélique ? « Recevez l’Esprit Saint. À qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis ; à qui vous maintiendrez ses péchés, ils seront maintenus. » Observons d’abord que résurrection et don de l’Esprit sont un seul et même mouvement chez St Jean. Pas 50 jours d’écart comme dans les Actes des Apôtres. Le don de l’Esprit ne se fait pas attendre puisqu’il diffuse et répand la présence du Ressuscité, il l’universalise et il poursuit son oeuvre au sein de sa communauté.

Pour comprendre ce verset du don de l’Esprit, il faut à mon avis changer notre ‘’logiciel’’ comme on dit, notre cadre mental, s’il est clérical, parce qu’alors il induit la question sous-jacente à cette matrice de pensée : « à qui le Seigneur a donné le ‘’pouvoir’’ de faire quoi ? » Si l’on est dans ce cadre mental, il peut être choquant pour nos consciences, de donner un tel pouvoir à quelques hommes faillibles qui peuvent en abuser ou simplement mal juger ; et l’on pense bien-sûr aux prêtres. Je n’entends pas, pour ma part, ce don du Seigneur comme un pouvoir donné à quelques-uns, mais comme une invitation pressante, voire une mise en garde, faite à toute sa communauté de frères et de soeurs désormais rassemblée en son nom, dans le dynamisme de l’Esprit Saint : l’Église. « Faites attention ! Vous êtes, chacun et tous ensemble, des pécheurs pardonnés. Et donc invités à répandre vous aussi la miséricorde que le Père a répandu sur vous. Si vous la retenez pour vos frères, n’espérez pas qu’elle soit ouverte pour vous. Remettez-vous vos péchés les uns aux autres. Sinon, n’oubliez pas : la mesure que vous utilisez pour les autres, sera celle qui servira pour vous. »

Thomas, mon frère jumeau dans son chemin de foi. Passer d’une foi transmise, héritée, témoignée à une foi personnelle. Dans ce contexte liturgique, eucharistique du premier jour de la semaine (dimanche, donc) où la communauté est rassemblée. Thomas est invité à vivre la béatitude la foi ; il est celui qui aimerait croire mais qui n’y parvient pas. Celui qui a besoin de passer du témoignage des autres à sa propre ‘’expérience’’ du Ressuscité et à pouvoir la dire avec ses propres mots : ‘’Mon Seigneur et mon Dieu’’. Cela, personne ne peut le faire à la place de quiconque. C’est bien ici que la foi est un don, au sens où elle n’est pas un cadeau que je peux faire à l’autre. Je ne peux que témoigner, inviter, et puis laisser l’autre cheminer. Nous n’avons pas prise sur cette intimité là, entre Dieu et l’homme.

Avoir foi c’est vivre la Pâque c’est ‘’passer’’ : de la peur à la paix ; de la tristesse à la joie ; de l’incrédulité à l’adhésion. Dans ce récit, la foi a peu à voir avec une certitude ou une assurance. Elle ressemble bien plus à un chemin avec ses passages, ses pâques. Le récit peut laisser penser, un peu naïvement, que ces pâques sont définitives. Qu’une fois faites, il n’y a pas de retour possible. Il est vrai que certains croyants vivent une foi paisible et qui semble assurée. À vrai dire, j’en connais beaucoup plus pour qui la foi EST ce passage, cette pâque dans leur existence. C’est une position plus tendue, plus inconfortable, mais aussi combien vivante, dynamique et féconde. La foi devient alors cette tristesse surmontée, ce deuil surmonté, ce doute surmonté, pour retrouver l’adhésion à la vie pleine, la vie éternelle, la vive vivante. Thomas peut aussi être ce croyant qui se tient sur la crête entre doute et désir de confiance, d’avoir foi. Il n’est ni assuré de son athéisme, ni de sa foi, il est celui qui doit exprimer son doute, ses questions, les objections de sa raison, pour avoir accès à la foi qui est sollicitée en lui. Je repense au très bel oxymoron de Maître Eckhart parlant de la foi, de la condition du croyant, et finalement de l’homme : « Se tenir dans un passage ! ». Impossible et pourtant nécessaire. Nous sommes en exode, de passage, jamais installés dans quelque condition, certitude, assurance ou état que ce soit, mais avec cependant la vie renaissante comme horizon et l’amour évangélique comme balise.

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