Par Franck GACOGNE

Marc 1,21-28,

C’est curieux, mais selon saint Paul, être marié serait un obstacle et empêcherait d’avoir le souci « des affaires du Seigneur » pour n’être que dans « celles du monde ». Je ne sais pas comment vous le prenez ! Alors, c’est dire si en avoir trois en même temps devrait éloigner « des affaires du Seigneur » ! Visiblement, l’obstacle ne doit pas être si important, car cela n’empêche pas l’Eglise de rendre tous les honneurs religieux à des puissants qui cumulent pourtant simultanément trois mariages. Espérons alors que cette même Eglise sache honorer et respecter tous les petits qui cherchent à vivre de l’Evangile malgré des chemins de vie difficile qu’ils n’ont pas toujours choisis.

Nous avons entendu l’évangile : Jésus entre à Capharnaüm avec ses quatre nouveaux compagnons (Simon et André, Jacques et Jean) qu’il vient d’appeler à sa suite. Capharnaüm se trouve au bord du lac de Galilée, et ces 4 nouveaux disciples viennent de quitter leur travail de pêcheurs. Ils sont donc chez eux, en terrain connu.

Jésus entre à la synagogue parce que c’est le jour du Sabbat, le jour de la prière. Et là aussi, il y trouve des gens qui sont comme chez eux, ce sont les scribes : enseignants connus et reconnu, ils commentent les Ecritures, mais toujours de la même manière donc sans doute un peu rasoir pour ceux qui connaissent à l’avance de qu’ils vont dire. Alors, cela ne m’étonnerait pas que, pour se faire entendre, ils soient autoritaires.

Celui qui est autoritaire, c’est celui impose sa présence avec force et contre la liberté de ceux qui sont là.

Mais Jésus, lui, n’est pas autoritaire, il « parle avec autorité » ce qui est très différent et c’est même le contraire, cela veut dire qu’il se dégage naturellement de lui et de ses paroles un tel intérêt, une telle nouveauté que c’est en toute liberté que les gens viennent à lui pour l’écouter, pour boire ses paroles. Ses paroles sont percutantes et efficaces.

Tout à l’heure, dans les équipes, on s’est interrogé sur l’identité de Jésus : qui est Jésus ? Ca n’a pas été très facile de répondre, on hésite, il y a des choses que l’on sait, il y en a d’autre que l’on croit et ce n’est pas du tout pareil de savoir et de croire. Ce que l’on sait, c’est ce qui concerne sa vie il y a 2000 ans : le Jésus de Nazareth. Mais on ne « sait pas » la manière dont il est présent aujourd’hui ; hier et demain comme Fils de Dieu, on ne peut que « le croire », c’est-à-dire en avoir une conviction profonde et réjouissante. Je ne sais pas que Jésus est présent dans le pain consacré à la messe, je ne peux pas le prouver. En revanche, je sais que Jésus a dit lors de son dernier repas « ceci est mon corps donné pour vous » : alors je peux croire qu’il est le Dieu vivant qui veut aujourd’hui fortifier ma vie si j’en ai le désir. Dieu nous veut libre, voilà pourquoi il ne s’impose pas, il nous veut libre de croire en lui et désirer le recevoir pour en vivre.

Dans la suite de l’évangile, Jésus rencontre justement un homme qui n’est pas libre, un homme qui ne se pose absolument aucune question et qui affirme violement : « je sais très bien qui tu es ! », une vérité assénée comme un savoir et non comme le fruit d’une relation. Et en plus, cette vérité est mal comprise par cet homme, car Jésus n’est pas venu « pour nous perdre », mais « pour nous sauver ». Jésus préfère faire taire le savoir, pour laisser s’exprimer le désir, l’expérience d’une relation.

Le catéchisme, l’annonce de l’évangile ne vise pas d’abord à transmettre un savoir sur Jésus, fut-il fort bon et juste. L’annonce heureuse de la Bonne Nouvelle passe par une rencontre personnelle avec le Christ qui veut se manifester aujourd’hui parmi nous. La foi c’est la découverte progressive d’une amitié profonde, d’un Dieu qui aime sans condition, et non pas d’abord une connaissance sur lui. Jésus intervient donc vigoureusement pour libérer cet homme de cet esprit qui le possède, et qui l’empêche d’être lui-même, d’être libre de croire. Jésus ne profite pas d’un état de faiblesse psychologique pour se constituer des adeptes. Bien au contraire, il rend à chacun sa dignité, il dénonce le mal, et il délivre cet homme de ce qui entrave sa liberté pour qu’en conscience il soit capable, ou non, de renouveler son acte de foi.

Seigneur, donne à chacun d’entre nous de savoir nous situer en Eglise d’une manière unifiée et cohérente, pour que ce que nous sommes, ce que nous disons et ce que nous faisons porte le témoignage humble et sincère de l’amour que tu offres au monde. Amen.