Par Amos BAMAL

Marc 1,29-39,

                                      « C’est pour cela que je suis sorti ».

 Après la prédication au temple et l’expulsion de l’esprit mauvais dimanche dernier, Jésus dans l’Evangile de ce dimanche se rend chez Simon où il guérit la belle-mère de ce dernier. Sans faire économie ni de son temps, ni de son sommeil, ni de ses fatigues et toujours à la disposition des uns et des autres sans aucune discrimination, il mène un intense ministère de guérison et d’exorcisme. Après toutes ces guérisons et miracles, les Apôtres se seraient attendus à voir Jésus dans une attitude plus euphorique , conquérante et assurée. Mais dès avant l’aube, il se faufile et part dans la solitude pour prier et rendre gloire à son Père tandis que tout le monde est à sa recherche. Dans cette première partie du texte de l’Evangile de ce jour transparaît la grande disponibilité de Jésus. Il se fait présent à tous. De toutes parts, « sans plus attendre », on le sollicite pour guérir les malades et soulager chacun de son mal. Les disciples aussi le pressent « tout le monde te cherche ».

Malgré cette activité apostolique sans limite du Christ, nous notons néanmoins cet équilibre entre l’action et la contemplation. Ainsi, Jésus qui passait la journée à prêcher et à guérir les malades, nous le voyons aussi se retirer dans un endroit désert pour prier. Le sens de notre vie ne réside pas dans une activité frénétique et sans limites, que ce soit au bureau, dans la paroisse, à l’école ou à la maison. Le sens de la vie se trouve dans la prière, dans le dialogue intime avec le Christ. C’est là que notre âme se nourrit. Ainsi rassasiés, nous pourrons reconnaître la volonté de Dieu dans notre vie. L’action, les allers et venues dont se composent nos journées, ne sont que les applications concrètes de ce sens profond que nous avons rencontré dans la prière.

Le second aspect que j’aimerais aborder dans cette méditation, est que l’Evangile de Marc de ce dimanche, nous présente également le décalage entre la foule de malades et de possédés qui suit Jésus et la mission de celui-ci. Le Christ n’est pas venu pour être le guérisseur de Capharnaüm et le thaumaturge attitré des alentours. Il est venu pour proclamer la Bonne Nouvelle à toutes les brebis perdues d’Israël. Il ne peut donc pas se laisser enfermer par un groupe, pour le service d’une ville ou d’un pays. C’est pour échapper à cette tentative « d’emprisonnement » qu’il prend la fuite. Jésus ne s’est pas fait homme pour se laisser accaparer par ceux auxquels il a apporté un soulagement, mais pour annoncer partout la Bonne Nouvelle.

Tout ceci peut faire réfléchir sur la manière dont nous-mêmes, nous vivons notre relation avec le Christ. Nous sommes peut-être tentés de le retenir ou plutôt de l’enfermer dans le bien qu’il nous a fait, au risque de l’empêcher de rejoindre les villages de la Galilée alentour, c’est-à-dire notre ville, nos quartiers, nos rues, nos milieux de vie. Et pourtant, en ces lieux, l’Evangile est attendu. Au long de l’Evangile de Marc, les disciples sont entraînés dans ce mouvement de sortie : « Allons ailleurs » leur dit Jésus.

De même, le Christ nous invite à ne pas rester enclos dans la joie, la reconnaissance et la jouissance du bien qu’il nous fait. A partir des signes qu’il nous donne de sa présence, de sa sagesse et de la puissance de son salut, il nous propulse plus loin, pour que nous parcourions le monde qui nous entoure et devenions à sa suite les témoins de la Bonne Nouvelle. Comment pourrions-nous être les témoins de cette Bonne Nouvelle si, à l’exemple de Jésus, nous n’allons pas rejoindre les hommes et les femmes de notre temps dans leur souffrance, leurs déficiences ou leurs épreuves ?

Aujourd’hui, comme au temps de Job, beaucoup d’hommes et de femmes souffrent dans leur chair, dans leur cœur, dans leur esprit. Ils attendent non seulement que nous annoncions la Bonne Nouvelle du Royaume qui vient, mais que nous donnions les signes de cet avènement, que nous fassions quelque chose pour les soulager. Lorsque Jésus relève la belle-mère de Simon, guérit les malades et libère ceux qui sont possédés par les esprits mauvais, la vérité de sa Parole devient manifeste et attractive.

C’est pourquoi notre Eglise aujourd’hui doit se porter auprès de ceux qui sont abattus, malades ou dérangés. Par son attention, sa présence, ses gestes de solidarité, elle manifeste que le salut de Dieu est une réalité pour aujourd’hui, puisqu’elle rejoint chacun et chacune dans les conditions concrètes de son existence.

Puisse le Seigneur au cours de cette célébration eucharistique, nous donner la grâce d’entendre son invitation à sortir à sa suite, de nos villes et de notre maison pour parcourir notre Galilée, et proclamer la Bonne Nouvelle en paroles et en actes.

Amen.