Par Jean-Claude SERVANTON

Marc, 1, 14-20

« Il y a urgence! » C’est ainsi que commence le commentaire du Missel des dimanches sur les textes de ce jour. Tout souligne la rapidité du temps qui passe et la nécessité de se tourner vers Dieu. Jonas parcourt Ninive trois fois plus vite que d’habitude. Cette ville et ses habitants ont 40 jours pour se détourner de leur conduite mauvaise. Les jours sont comptés. Dans l’évangile « les temps sont accomplis ». Aussitôt les disciples Simon et André, Jacques et Jean laissent leur filet et leur père. Et saint Paul doit nous dire : « Le temps est limité ». Ainsi impossible d’échapper à la question: que faisons-nous de notre temps? Au cours de la maladie, un temps de rémission aide à prendre conscience de notre fragilité et de la valeur du temps. Comment vivre le temps dans la foi et l’espérance?

Un événement, une parole comme un éclair arrête ou bouleverse le cours du temps. La parole du Seigneur sort Jonas de son train-train. L’arrestation de Jean le Baptiste provoque le départ de Jésus pour la Galilée. L’appel de Jésus sort les disciples de leur barque et les provoque eux aussi au départ. Une parole, un événement heureux ou malheureux a fait date dans nos vies. Il y a un avant et un après. Une parole, un événement nous ont bousculés, réveillés, remis debout. Aujourd’hui encore, car il n’est jamais trop tard, l’évangile nous invite à répondre à un appel. Nous sommes au début de l’évangile selon saint Marc, une bonne nouvelle change le cours de l’histoire, le cours de notre histoire personnelle.

La parole, l’événement invitent au départ. Jonas se lève et part pour la grande ville païenne. Jésus part pour la Galilée. Les disciples suivent Jésus. Tout ce monde déménage. Dans un film que j’ai regardé ces derniers jours un homme explique: nous pouvons entasser nos jours les uns sur les autres, comme les enfants posent des cubes les uns sur les autres. Ces empilements sont fragiles. C’est une façon de vivre, un jour se pose sur un autre. Au lieu d’entasser, nous pouvons prendre chacun de nos jours et les ajouter les uns aux autres dans le sens horizontal comme autant d’étapes d’un projet vers l’avenir. Ainsi chaque jour est nouveau. Cet homme a pris la décision de partir à l’aventure, de voyager. Le voyage l’a conduit jusqu’au Cambodge, sur les décharges de Phnom-Penh, la capitale où les enfants pataugent dans la boue pour en tirer nourriture ou un maigre butin. Et le voyage est devenu accueil de ces enfants et construction d’une école. Peut-être ne sommes-nous pas tous appelés à en faire autant. Cette expérience nous interpelle: entasser des jours ou leur donner un sens… Chaque jour est une nouvelle invitation à la rencontre. Les disciples entassaient les jours de pêche et Jésus les appelle à devenir pêcheurs d’hommes, à aller avec Lui sur les routes de Galilée, de Judée et après Pâques plus loin encore. Sans déménager nous pouvons déménager dans nos têtes et nos cœurs. Notre temps nous est donné pour rester dans l’intimité du Christ par la prière, la méditation de sa parole. C’est vrai cela prend du temps…pour aller à la rencontre de ceux et celles que le Seigneur met sur notre route pour les pêcher, c’est à dire leur éviter de se noyer, les sortir de l’eau pour qu’ils soufflent, respirent, pour qu’ils vivent.

L’épreuve a pu nous permettre de prendre conscience de l’urgence, celle-ci n’est pas précipitation peureuse, le Christ l’accompagne de sa paix. Il envoie ses disciples en leur disant : « Dans toute maison où vous entrerez dites d’abord: ‘Paix à cette maison’ et s’il se trouve dans cette maison un ami de la paix il ira reposer sur lui sinon elle reviendra sur vous. » Ainsi la paix n’est jamais perdue. C’est ainsi que nous vivons nos jours.