Par Franck GACOGNE

Mt 1, 18-24

Qui est le père de Jésus, Dieu ou Joseph ? C’est la question de l’un des modules du parcours de KT des enfants de la paroisse. Et avec l’évangile de ce dernier dimanche de l’Avent cette question est proposée à chacun de nous, et les seuls éléments que nous ayons dans les évangiles pour essayer de connaître Joseph ne sont pratiquement présent que dans ce passage. C’est court, mais instructif.

Marie que Joseph doit épouser est enceinte, et il sait bien qu’il n’en est pas la cause. On imagine sans mal le déchirement, le bouillonnement intérieur qui le tourmente alors. Que doit-il faire ? Joseph ne voit pas autre chose à faire que de devoir quitter Marie, et pourtant il ne se résout pas à devoir la dénoncer publiquement comme le lui demandait la loi, il cherche un moyen de le faire dans le secret. Et ce qui est intéressant, c’est que l’évangile de Matthieu qualifie alors Joseph « d’homme juste ». Mais il ne l’est pas au regard de la loi car aucune loi ne lui permettait de faire une répudiation en secret, il est donc sans doute « juste » au regard de sa conscience. Retenons donc, que l’évangile qualifie de « juste » un homme qui décide de ne pas suivre la loi parce qu’elle va à l’encontre de ce que sa conscience et son cœur lui dit. Et la justice pour Joseph, ce n’est pas d’abord de s’en sortir la tête haute aux regards de tous qui épient et vérifient la bonne moralité de leurs voisins, non, la véritable justice pour Joseph, c’est d’abord de permettre à Marie de trouver un chemin de vie.

Cet évangile doit nous interroger sur les regards que nous posons, sur les jugements que nous portons. La vie pour nous-mêmes, nos enfants, nos petits enfants n’est jamais celle que avions rêvée et sans doute idéalisée. Eh bien au moment où nous mettons Marie et Joseph dans la crèche, prenons conscience qu’il en était de même pour eux et que si cette famille est déclarée « sainte », ce n’est pas en raison d’une rectitude légaliste à laquelle il n’aurait jamais fait défaut, mais bien plutôt en raison d’un discernement en conscience et dans la prière de ce qu’il est bon de faire pour permettre à chacun, dans la situation qui est la sienne, d’entrevoir un chemin de vie, un chemin de libération, un accueil sans condition.

Voilà pourquoi le cœur de Joseph était disposé à accueillir l’annonce inédite de l’ange du Seigneur. En fait, il ne s’agit pas d’une, mais de trois annonces. La première lui dit que l’enfant engendré en Marie vient de l’Esprit Saint ; la seconde lui demande de ne pas avoir peur de prendre Marie comme épouse ; et la troisième, qu’il doit malgré tout l’inscrire dans sa descendance en lui donnant le nom de Jésus. Tel est le projet de Dieu auquel Joseph consent. « Il fit ce que l’ange du Seigneur lui avait prescrit, il prit chez lui son épouse » nous dit Matthieu. « Voici la servante du Seigneur ; que tout m’advienne selon ta parole » répondra quant à elle Marie dans l’évangile de Luc. Toute l’histoire de cette famille est celle d’un consentement en conscience et dans la foi à l’imprévu.

        Au-delà de tous les projets que nous pouvons planifier et construire, et il est nécessaire d’en faire, la vie est de toute façon faite d’imprévus. Toute la question n’est donc pas de chercher à les esquiver, ou tenter de se barricader pour s’en préserver. Je crois que l’évangile nous invite au contraire à disposer notre cœur à les accueillir, comme une bonne nouvelle quand ils nous réjouissent, et à faire face et composer avec quand ils nous bousculent et chamboulent nos projets. Et c’est souvent ces imprévus douloureux qui nous marquent, qui restent imprimés au plus profond de chacun. Dans le chapitre 3 du livre de la Genèse, prenons bien conscience que le mal apparaît comme une surprise, qu’il survient comme un imprévu pour l’homme comme pour Dieu et les prends tous les deux de court. Et si l’Esprit a été insufflé par Dieu dans la vie de l’homme juste avant, ce n’est pas pour le préserver de ce mal qui survient et que personne n’attendait, mais c’est pour qu’il puisse y puiser les moyens que Dieu lui-même lui donne pour y faire face.

Vous vous rappelez la question de départ : « Qui est le père de Jésus, Dieu ou Joseph ? » Reconnaître la paternité de Joseph, c’est reconnaître que Jésus est le Messie, car c’est de la descendance du roi David dont Joseph est issue qu’était attendu le Christ. Et en même temps, le nom que Joseph lui donne n’est pas anodin : Jésus qui veut dire « Le Seigneur sauve », l’ange du Seigneur lui révèle que c’est enfant vient de Dieu. Le père de Jésus n’est pas l’un ou l’autre, mais l’un et l’autre. Jésus n’est pas en partie homme et en partie Dieu, il est complètement homme et complètement Dieu. Ainsi comme le dit magnifiquement St Irénée, « il est devenu cela même que nous sommes, pour que nous devenions cela même qu’il est. » Amen