Par Amos BAMAL

Luc 23, 35-43

            « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras inaugurer ton règne »

            Sœurs et frères en Christ, nous n’aurons jamais fini d’approfondir et d’intériorisé en quoi le Christ est le Roi de l’univers. D’une année à l’autre, au moment où nous nous préparons à entrer dans le temps de l’Avent, l’Eglise nous fait célébrer le Christ comme Roi de l’univers. Alors que l’Avent nous branche sur la venue d’un Messie-Sauveur dont la mission sera de libérer l’homme du péché et de toutes les puissances du mal, la fête du Christ Roi de l’univers nous fait célébrer par anticipation l’accomplissement de ce salut en nous présentant le visage de ce monde nouveau transfiguré dans sa rencontre avec le Messie.

            De la lignée de David qui était le roi de tout Israël comme l’atteste la cérémonie de ralliement de toutes les tribus d’Israël dans la première lecture de ce dimanche, Jésus est le Roi de l’univers. Paradoxalement, l’investiture du plus grand Roi s’est faite sur la croix comme le relate l’évangile de Luc soumis à notre méditation. La cérémonie décrite par l’évangéliste est totalement aux antipodes des intronisations des rois et des prestations de serment de nos chefs-d’Etats : pas de parade militaire, de chants de louange en son honneur ou même de bouquet de fleurs.

            Le Roi de l’univers est plutôt objet de raillerie et de moquerie de la part des chefs du peuple et en présence d’une foule silencieuse qui semble ne pas comprendre grand-chose. Même les soldats l’insultent et se moquent de celui qui passait partout en faisant le bien. Le motif même de sa condamnation écrit au-dessus de sa croix ne convainc personne, pas même ses bourreaux : « celui-ci est le Roi des juifs ». Et pour couronner la série de moqueries, même un des malfaiteurs crucifiés avec lui participe à son humiliation au lieu de s’apitoyer sur son propre sort. Jésus ne répond pas à ces insultes et c’est l’autre larron compagnon de supplice qui reproche à l’autre son manque de crainte de Dieu, reconnaît l’innocence de Jésus et proclame ouvertement la messianité royale de Jésus.

            Mais comment comprendre cette fête au regard de ce Christ qui n’avait pas où reposer la tête, qui préférait la compagnie des faibles, des rejetés, des marginaux, des laissés- pour- compte, qui lave les pieds de ses disciples et qui, comme hommage ultime, a été couronné d’épines et a fini sa vie sur le gibet de la croix, à l’instar de tous les grands malfaiteurs de son époque.

            Pourtant, Jésus se révèle comme un Roi qui ne veut pas faire une démonstration de sa force, de son pouvoir et de sa puissance à ceux-là justement qui n’ont pas envie de croire en lui. Puisque son nom est « Dieu sauve », il refuse de se sauver lui-même. Il attend lui aussi, dans la confiance et l’abandon total, son salut de Dieu. Malgré toutes les attaques verbales dont il est l’objet, il garde le silence. Parce qu’il est sûr que son Père lui-même donnera la réponse.

            La royauté du Christ en effet, trouve son fondement dans le fait qu’il est l’origine et le terme de tout ce qui existe. En tant que Sauveur, Il a reçu du Père lui-même l’investiture royale, universelle et éternelle. Jésus-Christ est Roi, non pas un roi politique et temporel, mais un roi d’une royauté et d’un royaume bien supérieurs, car sa conduite est toute différente. Il s’abaisse à prendre la condition de ses sujets, à se faire homme comme eux, plus pauvre et plus humble que le plus pauvre et le plus humble des hommes. Et ce qu’aucun roi n’a fait et ne fera, il accepte les insultes, les tourments et la mort la plus cruelle pour sauver ses sujets. Oui, notre roi que nous célébrons est apparemment un drôle de roi. C’est un roi crucifié dont la couronne est d’épines.

            Il est donc clair, la royauté du Christ n’a rien à voir avec les pouvoirs d’ici-bas : elle vient d’ailleurs. Sa gloire est hors des atteintes de l’épreuve et de l’échec terrestre. Le Christ est le roi qui rassemble les hommes et les femmes de toute race, de toute langue, de toute culture et qui prend soin d’eux en les nourrissant de sa Parole et de son Corps. Son royaume n’est pas habité par des sujets, des soldats, des fonctionnaires et une cour mais par des fils et des filles, un royaume dont le visa d’entrée est l’amour, dont le trésor, c’est les pauvres et les humbles, un royaume où chacun est ambassadeur et où tous sont frères et sœurs.

            Mieux que par son rôle de « commencement et fin de toutes choses », le Christ se révèle justement comme Roi de l’univers en donnant sa vie pour entraîner l’émergence d’un monde qui soit totalement enraciné dans l’amour de Dieu. Célébrer la royauté du Christ, c’est s’entraîner à vivre ici et maintenant ce rassemblement des hommes et femmes initiés par le Messie, les invitant à s’ouvrir à l’amour qu’il leur a manifesté et à l’incarner dans toutes les dimensions de leur existence. La royauté du Christ devrait donc inspirer nos royautés terrestres et ceux qui aspirent à de hautes responsabilités politiques. Un bon chef n’est pas celui qui piétine ses administrés ou ses collaborateurs, qui croit n’avoir de compte à rendre à personne, élimine systématiquement ses adversaires politiques, mais celui qui se sacrifie pour son peuple. Nombreux parmi nous occupent des postes importants de responsabilités politiques ,économiques , sociales et ecclésiales. Le monde attend de nous que nous soyons des chefs à l’image du Christ.

            Sœurs et frères en Christ, que notre joie en ce jour soit sans réserve, car avec la fête du Christ Roi de l’univers, c’est notre espérance en un monde totalement soumis à Dieu que nous fêtons. Un monde qui est déjà là, mais que nous devons continuer à bâtir avec acharnement en éloignant l’horizon du mal et en laissant le Christ régner dans nos vies.