Par Franck GACOGNE

Matthieu 18, 15-20

Ce dont Jésus nous parle aujourd’hui, correspond à ce que nos appelons habituellement la correction fraternelle. « Si ton frère a commis un péché, vas lui parler seul à seul et montre-lui sa faute. » C’est une chose délicate, parce que je risque de paraître vouloir enlever la paille qui est dans l’œil de mon frère sans voir la poutre qui est dans le mien. Qui suis-je pour faire la leçon à mon semblable ? Le Chrétien serait-il un redresseur de torts?

On ne peut pas comprendre ce que Jésus nous demande aujourd’hui si on oublie que la clé de tout l’évangile  est l’amour. Pas n’importe quel amour. Celui dont Jésus nous a donné l’exemple. Jésus, parce qu’il a aimé en vérité les personnes de son temps, a toujours cherché à les faire grandir dans leur dignité d’ homme ou de femme, quitte à leur dire les quatre vérités comme nous le voyons dans ses rapports avec les pharisiens.

Il faut reconnaître que la démarche de correction fraternelle n’est pas toujours facile. Lorsqu’un ami est en faute, si je mets le doigt sur sa faute, je risque de perdre son amitié pour un temps, le temps qu’il lui faudra peut-être pour comprendre que ma démarche était vraiment pour son bien.

Aimer c’est vouloir le bien de l’autre, le bien que nous désirerions recevoir nous-mêmes des autres : » Tu aimeras ton prochain comme toi-même » nous a dit Jésus. La correction fraternelle ne peut se faire que dans l’amour fraternel et ne peut avoir pour objectif que la communion fraternelle. Seul l’amour vrai rend possible la correction fraternelle, sinon c’est insupportable.

Au nom de l’amour nous avons non seulement le droit, mais le devoir de nous parler les uns aux autres non seulement du temps qu’il fait mais aussi des grains de sable qui font grincer nos relations.

L’enjeu est de « gagner un frère », c’est à dire le lui éviter de se perdre. Mais en venant à son secours , il faut se rappeler qu’il existe entre lui et moi une communion de pécheurs. Le péché dont je veut lui parler me renvoie à ma propre misère. Ce n’est pas un saint qui vole au secours d’un pécheur, mais un autre pécheur qui prend un autre par la main.

Cela vaut pour toutes les relations à commencer par la relation conjugale. N’y aurait-il pas moins de divorces si les couples s’obligeaient à faire régulièrement une remise à plat de leur relation pour se maintenir dans leur amour ?

En nous parlant de la correction fraternelle, Jésus ne vise pas que nos liens naturels, c’est au niveau de toute l’Eglise, comme fraternité spirituelle, que Jésus nous invite à faire la vérité. Cela se pratique de façon particulière dans les communautés religieuses. Dans la fraternité à laquelle j’appartiens, c’est tous les mois que nous prenons une matinée pour faire un chapitre local, c’est à dire une révision de notre vie fraternelle.

Cette exigence de fraternité est pour tous parce qu’il y va de la nature même de l’Eglise. L’Eglise du Christ n’a de sens que comme communion dans le Christ.

Le péché de chacun est une brèche dans cette communion, une blessure plus ou moins profonde dans le Corps du Christ. Depuis toujours, l’Eglise voit le péché non comme un simple écart par rapport à une règle, mais comme une atteinte à la communion dans le Christ.

Le péché n’est pas une affaire purement individuelle, car ce qui touche un membre touche tout le corps comme nous l’enseigne saint Paul.    L’Eglise est sainte de la sainteté du Christ, mais elle est marquée du péché de chacun d’entre nous. Nous sommes ensemble responsables de la lumière du Christ et avons à nous aider mutuellement à la porter.

Or l’Eglise manifeste principalement la lumière du Christ lorsqu’elle fait briller sa Miséricorde. L’Eglise doit offrir à tout homme pécheur le pardon de Dieu.

Aussi Jésus étend-il le pouvoir de remettre les péchés qui avait été donné à Pierre à tous ses disciples :  » Tout ce que vous aurez lié sur la terre sera lié dans le ciel et tout ce que vous aurez délié sur la terre sera délié dans le ciel. » Aucun d’entre nous ne peut de lui-même pardonner, le pardon est une grâce que Dieu donne.

Rassemblés au nom de Jésus pour célébrer l’eucharistie, rendons grâce à Dieu pour son amour miséricordieux qu’il ne cesse de nous offrir afin que nous nous aimions les uns les autres sans jamais nous enfermer dans notre péché. Que son Amour qu’il vient nous partager dans cette eucharistie nous rende capables de nous aider les uns les autres à demeurer fidèles à l’amour fraternel comme Jésus nous le demande aujourd’hui.