Par Franck GACOGNE

Jean 6, 51-58

C’est une question de vie ou de mort ! Avons-nous bien entendu ces paroles de St Jean ?

« Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour la vie du monde. »

« Amen, amen, je vous le dis : si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme, et si vous ne buvez pas son sang, vous n’avez pas la vie en vous. Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour. »

Il est un temps où l’on parlait de péché mortel dans l’Eglise, au sens où ces péchés, disait-on, nous coupaient de la relation vivifiante avec Dieu. Et en conséquence, être dans cette situation de pécheurs nous interdisait par exemple d’aller communier. Mais St Jean dans son évangile aujourd’hui ne nous dit pas que c’est le péché qui nous coupe de la relation vivante à Dieu, il nous dit tout au contraire que c’est de ne pas communier qui nous coupe de la vie de Dieu, puisque c’est précisément par son pain devenu son corps qu’il veut et qu’il peut nous donner sa vie.

Voilà pourquoi très justement, le pape François rappelle que « l’Eucharistie n’est pas un prix destiné aux parfaits, mais un généreux remède et un aliment pour les faibles » (EG 47). Il n’y a pas dans l’Eglise d’un côté ceux qui seraient dans les clous, et qui pourraient alors revendiquer leur droit à tel ou tel sacrement en raison de leur droiture morale ; et de l’autre côté ceux qui en raison d’une vie conjugale complexe ou blessée, seraient exclus des sacrements. Non ! Avant d’aller communier, tous, prêtre et membres de l’assemblée, nous prononçons cette phrase : « Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir, mais dit seulement une parole et je serai guéris ». Si le faisons tous, c’est précisément parce qu’aucun de nous n’est digne de recevoir la vie de Dieu, absolument personne ne la mérite. Voilà pourquoi elle n’est pas un dû, mais un don, absolument gratuit et absolument nécessaire pour nourrir notre foi. Voilà pourquoi le Seigneur nous y invite avec audace, c’est lui qui nous déclare digne de le recevoir, c’est lui qui veut nous offrir et nous rassasier de sa vie : « Heureux les invités… prenez et mangez-en tous… »

Vous le savez peut-être, a l’issue des deux sessions du synode sur la famille, le pape François a rédigé un texte magnifique (la joie de l’amour) entre-autre sur ce point-là. Il nous dit que ce sont toutes les personnes, toutes les familles dans la diversité de leurs situations qui sont à la fois invitées à être pleinement membres et participant de la vie de l’Eglise, et à la fois, (chacun dans sa situation) invité à prendre les chemins nécessaires de discernement pour y parvenir. Par exemple, sur notre paroisse, nous avons ouvert un groupe de parole appelé « cheminements Bartimée » pour aider les personnes divorcées vivant une nouvelle union à trouver leur place dans l’Eglise et pour les accompagner dans leur discernement pour un retour aux sacrements.

Mais parce que aucun de nous n’est digne de la vie de Dieu, le pape va beaucoup plus loin dans son texte. Il invite aussi toutes celles et ceux qui viennent recevoir l’Eucharistie je dirais naturellement, ou sans plus s’interroger, à « s’examiner eux-mêmes ». Voici ces mots : « Lorsque ceux qui communient refusent de s’engager pour les pauvres et les souffrants ou approuvent différentes formes de division, de mépris ou d’injustice, l’Eucharistie est reçue de façon indigne » (AL 186). Autrement dit la dignité de l’Eucharistie n’a pas de préalable qui viendrait en filtrer l’accès, en revanche, cette dignité doit se vérifier dans les fruits qu’elle produit ensuite en terme d’engagements pour les plus faibles.

Recevoir le Corps du Christ c’est une mission à laquelle nous disons « Amen », puisqu’à la fin, nous sommes envoyés par le prêtre ou le diacre qui nous dit : « allez dans la paix du Christ », c’est-à-dire, soyez témoin par vos mains, vos lèvres de la vie de Celui que vous avez reçu. Amen.