par Eric de NATTES

Marc 6, 7-13

1ère mission des 12

Première mission des 12 ! Et voilà que nous ne savons rien du contenu de cette mission, des enseignements donnés par les 12, car l’essentiel semble plutôt résider dans un état d’esprit que dans des contenus précis. Intéressant ! J’entends parfois qu’on s’énerve contre la méthode du pape François qui tente par tous les moyens une conversion des esprits avant de réformer le droit ou la doctrine… De l’autre côté on peut s’interroger lorsqu’on passe beaucoup de temps sur la pédagogie, sur les moyens à mettre en œuvre, et assez peu sur l’état d’esprit avec lequel nous entreprenons… Les plus belles célébrations du monde en terme de qualité chorale, d’enseignement dans l’homélie, ou de beauté de la musique ne masqueront pas l’invisible de ce que fait ressentir une communauté de sa vie propre lorsqu’on pénètre dans une église le dimanche. Cela se sent, se ressent, vous pénètre pour le meilleur ou pour le pire et aucune charte qualitative n’y peut rien !

Il leur donna autorité sur les esprits impurs. La seule autorité que Jésus confère aux 12, confirme largement cette intuition. Un esprit impur c’est ce qui parle en nous mais qui nous ligote, nous enferme. Ce qui parle en soi en tordant la vérité, en ne voulant pas la faire cette vérité pour prendre à nouveau le chemin vers la vie. Dans les évangiles, les esprits impurs ce sont ceux qui semblent connaître Dieu – nous savons qui tu es – et que pourtant Jésus fait taire immédiatement parce que dans leur bouche, tout est faussé. Il y aurait ici beaucoup à méditer pour chacun. Quel est le Dieu qui se révèle lorsque j’en parle ? On peut se demander quel à bien pu être l’enseignement de Judas l’Iscariote, l’un des 12, lui dont le Dieu devait amener la délivrance militaire et politique d’Israël.

Ne rien emporter pour le chemin : ni sac, ni pain, ni monnaie, ni tunique de rechange. Si nous partagions sur ces paroles, nous pourrions regarder chacun des éléments et nous interroger : de quel pain as-tu besoin de te nourrir pour vivre et enseigner l’Évangile ? Quelles provisions dois-tu faire qui pourraient se stocker dans un sac ? Es-tu bien certain que l’argent va être ta meilleure aide pour que l’Évangile se dévoile à travers toi ? etc… Ce qui semble assez clair, dans la logique de l’état d’esprit initial, c’est que les conditions matérielles évoquées appellent à un dépouillement. Je n’irai pas trop vite vers une pauvreté matérielle, même si elle est sous-entendue, car les éléments évoqués (pain, sac, monnaie, tenue de rechange) me semblent hautement symboliques. Ce dépouillement des disciples fait penser à celui de Jésus lui-même qui n’a pas exigé l’ascétisme de la part de ses disciples, mais lui, qui, de condition divine, n’a pas revendiqué le rang qui l’égalait à Dieu, lui qui, encore selon St Paul, nous enrichit de sa pauvreté, lui qui n’est pas venu pour juger mais sauver ce qui était perdu.

Cet appel à limiter autant que possible son pouvoir, sa puissance, pour l’orienter vers la vie elle-même, n’est pas une naïveté de la part de Jésus. Il connaît la violence qui est en nous et l’insatiable désir de reconnaissance qui nous pousse à des attitudes étonnantes de contrôle, de maîtrise, de domination. Dieu peut alors si facilement être instrumentalisé, toujours soi-disant pour le bien de l’autre.

Au fond, même le signe de secouer la poussière de ses sandales devant le refus d’écouter, est encore une manière d’éviter la violence. Le refus fait partie des possibles sans qu’il doive engendrer la coercition ou pire encore, la vengeance.

Si certains parmi nous peuvent sourire devant tant de naïveté puisque la logique du monde est d’abord celle des moyens, qu’ils réfléchissent à la manière dont notre temps paye le prix très fort d’une Église qui a usé de moyens tellement considérables pour assurer sa mission. Et ce que ces moyens, cette puissance a engendré de dévoiement parmi certains disciples.

Les conditions spirituelles et matérielles évoquées dans ces lignes ne sont-elles pas le préalable à une véritable culture de la rencontrez, de la fraternité ? Culture qui est le socle véritable de la vie selon l’Évangile.