Par Franck GACOGNE

Luc 17, 5-10

Les recommandations de Jésus sont tellement inaccessibles que les apôtres en sont dépités et scotchés. Ils lui disent alors : « Augmente en nous la foi ! ». Parce qu’en effet, Jésus venait de leur demander, juste avant, de pouvoir pardonner jusqu’à 7 fois quelqu’un qui dans la même journée leur ferait un sale coup, mais exprimerait des regrets. Il y a un moment, vous en conviendrez, où on doit quand même pouvoir dire : « ce n’est plus possible, la coupe est pleine ! ». Oui, elle est pleine. Mais de quoi est-elle pleine ? Tout à leur honneur, les apôtres réclament plus de foi afin d’avoir l’équipement nécessaire, le pack complet pour la mission démesuré à laquelle Jésus les appelle. Mais ils se trompent, car Jésus leur rétorque qu’une foi pas plus grande que la plus petite des graines suffit amplement. Les apôtres demandent à Jésus les moyens de pouvoir faire pour lui, mais en retour Jésus demande aux apôtres de se laisser défaire, pour laisser Dieu faire à travers eux.

Il nous arrive de penser qu’être un chrétien +++, c’est accumuler un savoir sur Dieu, engranger des connaissances bibliques, être engagé à 200% pour les autres… et comme on n’arrive pas à atteindre cet objectif pourtant louable, on demande à Dieu plus de foi, plus d’énergie, plus d’audace, plus de temps… Les apôtres veulent en avoir plus et Jésus semble leur répondre qu’ils en ont déjà trop, ou peut-être que ce qu’ils ont déjà n’est pas nécessaire où est même contre-productif.

Et si être chrétien en étant serviteur, c’était nous laisser défaire d’un trop plein de prétentions à pouvoir tout assumer de notre vie. Et si être chrétien en servant, c’était déconstruire en soi l’illusion que notre foi pourrait nous faire transporter des montagnes, alors qu’en réalité c’est le Christ qui peut les déplacer quand nous consentons à le servir dans nos frères, quand nous voulons vivre une fraternité réelle, ordinaire, authentique.

Oui, je crois qu’accepter que notre foi en Dieu ne soit pas plus grande qu’une graine de moutarde, c’est consentir à laisser à Dieu l’impossible, car lui seul en est capable, mais jamais sans nous. C’est par le service humble et ordinaire que Dieu peut déployer sa puissance d’amour dans le monde, que tout homme peut recevoir et percevoir qu’il est infiniment aimé. La foi en acte, c’est notre réponse à l’initiative de Dieu.

Dans ce passage de Luc, le lien entre le peu de foi et la parabole sur le service n’est pas évident. Alors pour mieux comprendre voici je crois ce que Jésus aurait pu dire à ses apôtres, et voici peut-être ce qu’il veut nous dire aujourd’hui : « Si, avec le peu de foi dont vous vous plaignez, vous pouvez être témoin de l’impensable, à plus forte raison, avec ce même peu de foi, combien vous pouvez accomplir parfaitement votre vocation de serviteur. Et trouver dans cette mission de service l’épanouissement et la joie de l’évangile ».

Voilà pourquoi tout à l’heure, nous rendrons grâce pour tous ceux d’entre vous qui accomplissent un service au nom de leur foi, à toutes celles et ceux qui sont « simples serviteurs » comme dit l’évangile. Mais de la foi, il n’en faut pas plus qu’une graine pour se mettre en route, mais elle est nécessaire. Le Seigneur se charge d’en prendre soin et de la faire grandir et fructifier, nous ne savons pas bien comment, mais ce matin, nous sommes nombreux à en être les témoins et à nous en réjouir. Merci.