Par Amos BAMAL

Luc 16, 1-13

Des paraboles de Jésus, celle du gérant malhonnête qui est proposée par la liturgie de ce dimanche est souvent mal comprise et suscite parfois des controverses. Aux oreilles de beaucoup de chrétiens, cette parabole apparaît comme une approbation par le Seigneur de la conduite de ce gestionnaire indélicat. Beaucoup de corrompus et de détourneurs peuvent se faire bonne conscience. De même cette parabole peut choquer ceux qui mènent leurs affaires dans la transparence et l’honnêteté.

En relisant attentivement cette page de l’Ecriture et surtout la conclusion qu’en tire Jésus, il n’y a pas de doute possible ; la pensée du Seigneur est sans ambiguïté : « on ne peut servir en même temps Dieu et l’argent ».

Cette conclusion que Jésus donne à ce passage de Saint Luc rejoint les propos virulents du prophète Amos dans la 1ère lecture de ce jour, à l’endroit des riches d’Israël qui exploitaient et méprisaient les pauvres : « Vous écrasez les pauvres et anéantissez les humbles du pays. Vous êtes tellement au service de l’argent que vous avez oublié toute notion de justice et de droit ».Pour le prophète la vraie richesse doit se bâtir sur la justice en tenant compte des pauvres et des petits.

La première interpellation de l’évangile de ce dimanche se situe donc dans la rupture du contrat du gérant. Lui qui avait jusque-là géré comme s’il était maître du commerce, se voit rappelé à l’ordre. Nous vivons parfois dans l’insouciance de la précarité effective de toute vie et de toutes les situations, dans un faux sentiment de suffisance et de maîtrise des prévisions. La parole de Dieu nous invite à la modestie du constat qu’aucune certitude humaine n’est acquise. Il nous faut être attentifs et avisés dans la gestion de tous nos biens, nous n’en sommes effectivement que des usufruitiers.

La seconde interpellation du texte se trouve dans l’interrogation du gérant et sa prompte réaction. Profitant des derniers instants de sa situation stratégique, il établit des relations humaines avec ses créanciers. Entre eux, dit Jésus, les fils de ce monde sont plus habiles et plus astucieux que les fils du royaume. Aussi forme-t-il le souhait que les hommes puissent montrer autant d’avidité pour acquérir les biens spirituels, qu’ils manifestent d’astuces à se faire des fortunes.

En d’autres termes, les mêmes énergies que nous mobilisons pour acquérir les richesses de ce monde, mobilisons-les aussi pour acquérir la vie éternelle.

L’argent est un serviteur, qui cherche sans cesse insidieusement à devenir le maître. Pour qui n’est pas vigilant, il peut au lieu de servir, asservir. Pour et au nom de l’argent-dieu, que de désordres meurtriers dans le monde : guerres, drogues, prostitution, exploitations. Cet argent-là est capable de tout détruire : couples, familles, amitiés, relations. Mais l’argent trompeur peut aussi devenir source de richesse spirituelle dans la mesure où, par le partage, il nous permet de nous mettre au service du prochain.

En invitant son disciple Timothée et sa communauté dans la 2e lecture de ce jour, à prier pour tous, Saint Paul consacre cette fraternité universelle où il n’y a plus ni pauvre ni riche, ni esclave ni homme libre, ni juif ni grec. Par ces mots nous sommes invités à construire une société juste ; et la vraie justice ne supporte pas les discriminations, lesquelles entraînent à coup sûr d’autres divisions.

Que l’appel du Seigneur en ce 25e dimanche nous engage à rechercher le royaume de de Dieu et sa justice et à utiliser les biens de ce monde pour acquérir les biens éternels.

AMEN.