Par Jean-Claude SERVANTON

Luc 13, 1-9

Ce passage de l’évangile de Luc a deux versants: un versant sombre et un versant plus lumineux, et à la charnière, cette parole terrible de Jésus : « Si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même ». Nous sommes tentés de ne retenir que le versant lumineux. Celui de la patience du vigneron qui donne un sursis d’un an au figuier stérile. Je voudrais tenir les deux versants de la parole de Jésus… parole de mort pour la vie.

Je trouve plutôt bien que Jésus parle de deux faits divers terribles dans l’actualité de son temps. L’affaire des Galiléens que Pilate avait fait massacrer et ces dix-huit personnes tuées par la chute de la tour de Siloé. Première vérité à retenir: ces victimes n’étaient pas plus coupables que tous les autres habitants de Jérusalem. Voilà qui a le mérite d’être clair. Non, les victimes du Bataclan, des attentats de Paris, n’étaient pas plus pécheurs que les autres, ni les victimes des tremblements de terre, des inondations, des bombardements syriens. Il est rassurant, quand on est témoin d’une catastrophe, de pouvoir dire des victimes « ils ne l’ont pas volé ». L’image du Dieu punisseur n’a pas totalement disparu de nos mentalités. Et bien non Dieu ne punit pas, il ne provoque en aucune façon le mal qui nous afflige. Les victimes du temple et de la tour de Siloé sont les victimes de la perversité de Pilate et des mauvais calculs des constructeurs de la tour.

Mais alors que signifient les paroles du Christ: « Si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de la même manière ». Qu’est ce que se convertir? Ne pensons pas trop vite que c’est la recherche d’une meilleure conduite… mais mieux se tourner vers quelqu’un, vers un autre… bien sûr vers le Christ, vers celui qui parle dans l’évangile, vers Celui qui vient nous trouver sans oublier qu’il vient à notre rencontre à travers tout homme. Se convertir c’est sortir de soi, s’oublier en quelque sorte, pour se tourner vers le Christ, vers Dieu… tenter de s’approcher de lui, le suivre, mettre notre vie en conformité avec ce que nous savons de lui. Le chemin de la perfection n’est pas d’abord le chemin d’une loi, c’est le chemin vers quelqu’un. La conversion se confond avec la rencontre, l’accueil de l’amour de Dieu.

C’est alors que le deuxième versant de l’évangile nous éclaire… celui de la parabole du figuier. L’arbre grandit et fleurit pour donner du fruit. Il donne son fruit, il se dépossède et ainsi il assure la multiplication de la vie. Nous sommes comme l’arbre, nous sommes faits pour donner du fruit. « La gloire de mon Père c’est que vous portiez du fruit en abondance » dit Jésus dans l’évangile de Jean. Et oui nous sommes des porteurs de vie, des donneurs de vie… que si, comme l’arbre, nous acceptons de nous déposséder. C’est ainsi que nous sommes à l’image du Dieu vivant tel qu’il se révèle dans la mort et la résurrection de Jésus. Dieu est à notre disposition pour nous donner fécondité. Se convertir, ne pas périr, c’est donc adhérer, être en conformité avec ce Dieu-là. Le figuier est déjà mort. Il n’est sauvé que par le fruit qu’il pourra encore donner. C’est la volonté patiente du Seigneur!