Par Jean-Claude SERVANTON

Lc 4, 21-30

Cette semaine j’ai eu la joie de vivre un moment très fort. J’ai rendu visite à une jeune maman et à son enfant d’un jour. Nous étions dans cette chambre d’hôpital: la mère et l’enfant, le père, le fils aîné, et la grand-mère. Un moment émouvant: nous découvrons tout à coup la valeur d’une personne humaine, la valeur de la vie humaine, et nous en sommes touchés… et d’autant plus touchés que ces parents sont déboutés du droit d’asile. Ils sont étrangers… Ce petit bout d’homme où va-t-il grandir? Dans ce temps fort, je touche du droit que ces étrangers sont des amis, que nous sommes de la même humanité… et que nous sommes différents… nous ne parlons pas la même langue… nous avons du mal à nous comprendre… ils ont une autre langue et surtout une autre culture. Ils viennent d’ailleurs, d’un pays que je ne connais pas, ils ont leur propre histoire…
Regardons maintenant ce qui se passe dans l’évangile. Jésus est à Nazareth, là où il a grandi. Il est reconnu par les siens comme étant le fils de Joseph. Jésus est chez les siens. Il est un familier, un autochtone. Et pourtant il est vite perçu comme un étranger. Il vient d’ailleurs, de Capharnaüm… c’est un nouveau Jésus qui arrive à Nazareth… N’est-il pas ainsi pour nous… nous connaissons les gens de notre famille, nos familiers, et pourtant un jour où l’autre ils nous étonnent ils nous échappent… Ainsi en est-il de Jésus de Nazareth… familier et étranger.
Et s’il en était ainsi de Dieu? A la fois étranger et familier. Je ne sais plus avec qui j’en parlais ces derniers jours, Dieu est à la fois le tout autre bien différent de nous, le Dieu transcendant… le plus haut des cieux et le Dieu proche… au plus intime de nous-mêmes. Nous sommes à son image et à sa ressemblance. Je lisais un commentaire qui me rappelle que notre Dieu, révélé par Jésus, est étrange. Il va toujours au pire, au contraire. Dieu il se fait homme. Dieu il est la Vie, le Vivant, il va affronter la mort. Innocent, il prend rang parmi les malfaiteurs. Dieu vient nous rejoindre dans le meilleur comme dans le pire… dans le pire pour nous conduire dans le meilleur, toujours avec nous.
Jésus de Nazareth, à la fois familier et étranger, révélation de Dieu, provoque l’hostilité. C’est une invitation permanente à la conversion. Ou nous nous fermons sur nous-mêmes et nous collons des étiquettes sur les autres – n’est-il pas le fils de Joseph? – ou nous partons à la découverte de l’autre. Le familier ou le plus lointain. Ce dernier, je vous l’assure, est un vrai cadeau. Non pas parce qu’il serait meilleur que nous, non, mais parce qu’il est différent… et que la différence, vécue, expérimentée, enrichit notre humanité. Cette humanité que Dieu habite. La différence enrichissant notre humanité nous conduit jusqu’à Dieu, dont l’amour est universel. Les auditeurs de Jésus le mènent hors de la ville, sa ville pour le tuer. C’est une anticipation de Pâques. Mais cet exclu va remplir tout l’univers.