Par Franck GACOGNE

Luc 1, 39-45

Marie n’est pas une statue au teint cireux comme on en trouve souvent. Elle n’a rien du santon inerte, lisse et attendrissant que j’ai déposé avec précaution dans la crèche ! Non, Marie a dû traverser bien des tourments, des questions lancinantes conséquences de son « oui ». Si aujourd’hui décider de se marier après avoir eu des enfants n’est pas rare et suscite peu de reproche, dans le passé on éloignait souvent la jeune fille enceinte du regard du voisinage, du « quand dira-t-on ». Il se peut que Marie ait pu vivre cette situation quand nous apprenons, en lisant les Évangiles de Matthieu et de Luc, qu’elle attendait un enfant avant d’avoir vécu avec son époux, Joseph ? Il est certain que Marie s’est trouvée dans la situation difficile de bien des jeunes femmes devant supporter les rumeurs malveillantes autour de sa grossesse. Mais Marie fait face, elle est vive, elle va de l’avant. L’évangile nous dit que c’est avec élan et empressement qu’elle se met en route pour aller retrouver sa cousine.
Nous savourons dans cette visite l’enthousiasme et l’enjeu de cette rencontre avec Elisabeth, elles ont tant à partager ensemble du don de Dieu en chacun d’elles. « Marie entra dans la maison et salua Élisabeth. » Regardons-la approcher sa cousine enceinte de six mois. Élisabeth, la grande dame, épouse d’un prêtre qui occupe une situation importante à Jérusalem, ne considère pas sa jeune parente comme une adolescente fautive à qui elle fait la charité en l’accueillant chez elle. C’est alors que tout bascule ! Un échange magnifique se produit, peut-être d’ailleurs tout autant entre Jésus et Jean-Baptiste, qu’entre leurs mères. Car à la salutation de Marie, l’Esprit Saint qui a engendré Jésus en elle est transmis à Elisabeth qui s’en trouve remplis, et à Jean qui en tressaille d’allégresse. En retour, Elisabeth va exprimer toute sa gratitude et son bonheur. Elle rend grâce pour Marie et donne à la jeune fille le titre inouï de « Mère du Seigneur », lui révélant ainsi à la fois sa mission et sa dignité. Elisabeth exclame la foi de Marie, toutes les deux sont les témoins et les bénéficiaires privilégiées du Messie qui vient. Elles vivent toutes les deux comme un avant goût de la Pentecôte et ne peuvent ensemble que faire éclater leur joie et leur bonheur profond.
On entend parfois dire de Marie qu’elle est le modèle de notre foi. Peut-être, mais à condition de prendre conscience comme dans cet évangile qu’il s’agit d’une foi ardue, d’une confiance éprouvée, d’une foi qui demande et qui permets du courage et de la force pour traverser les épreuves de la vie et pour, en toutes circonstances, prendre la voie de l’amour, un « oui » qui réponde à l’amour de Dieu.
Il nous est bon à quelques jours de Noël, avant de nous émerveiller avec les bergers et les mages, de contempler le chemin raboteux de Marie et de partager aussi sa joie d’être accueillie et d’être confirmée dans sa mission par les paroles qui lui furent dites. Oui, croire est la source d’une joie que le monde ne saurait nous ravir. Amen.