Par Franck GACOGNE

Marc 10, 35-45

J’aimerais vous raconter une parabole contemporaine pour illustrer l’évangile. Imaginons le grand meeting d’un parti politique. Tous les responsables du parti sont là. Chacun cherchant à se faire remarquer du chef de file, cherchant à bien se placer, à être en vue à l’approche des futurs élections. L’enjeu est important. Le podium est vaste, la salle retenue est comble. Tout à coup, le chef fait son entrée entouré par ses 12 plus proches collaborateurs tous aussi ambitieux les uns que les autres, chacun se demandant bien qui aura le privilège de s’asseoir et donc d’être vu à la gauche et à la droite de leur chef. On leur avance des fauteuils pour qu’ils puissent prendre place, certain commencent à jouer des coudes pour avoir les meilleures, mais voilà qu’à la surprise général, le chef du parti descend du podium et se rend au fond de la salle. Intrigués, ses collaborateurs le suivent pensant y trouver quelques caméras, mais leur chef pousse la porte, et se rend dans la rue, dehors, là où ne se trouve aucun journaliste. Complètement interloqués, déconcertés, tous préfèrent rester dans la salle tandis que leur chef continue seul sa route vers un quartier reculé et mal fréquenté de la grande ville appelé Golgotha. Il repère un banc public et s’assoie entre deux personnes peu recommandables qui sortent tout juste de prison.
Peut-être que cette histoire inventée peut nous aider à comprendre l’évangile proposé aujourd’hui. Vous vous en souvenez peut-être, il y a un mois dans l’évangile lu le 20 septembre, Jésus annonçait pour la deuxième fois à ses disciples sa passion, sa mort et sa résurrection, mais les disciples, n’avaient alors pas d’autres préoccupations que de savoir qui était le plus grand ; Jésus leur présenta alors un enfant comme modèle. Aujourd’hui dans les versets qui précèdent ce passage, Jésus leur annonce pour la troisième fois que le Fils de l’homme va être livré, condamné à mort, être tué et trois jours après qu’il ressuscitera ; et à nouveau, les disciples n’ont pas d’autres préoccupations que de vouloir obtenir des places d’honneur dans sa gloire. Mais Jésus n’est pas un piston qui pourrait nous assurer une promotion ou des places de choix à ses cotés. Les disciples ont décidément du mal à comprendre que les premières places aux côtés de Jésus durant sa passion ils les fuiront, ce sont celles que personne ne voudra, à sa gauche et à sa droite au calvaire.
Dans cet évangile, Jésus parle à Jacques et Jean d’une coupe qu’il va boire, et d’un baptême dans lequel il va être plongé. Qu’est ce que cela peut bien signifier ? Et bien ces deux éléments, la coupe et le baptême, font encore référence à sa passion : la coupe, c’est celle de son sang versé pour la multitude et pour le pardon des péchés. Le baptême dans lequel Jésus va être plongé, c’est cette immersion dans la mort et le séjour des morts puis ce relèvement, cette vie nouvelle de ressuscité. Et en Effet Jésus confirme à Jacques et à Jean qu’ils vont eux aussi passer par là : la coupe, non pas parce qu’ils vont trinquer entre amis, mais parce que chacun d’eux va trinquer, au sens où il va vivre cette plongée dans la mort et la résurrection du Christ par le martyr. Selon la tradition, ce serait même eux Jacques et Jean les premiers martyrs après Etienne. Alors, il reste la question de ces fameuses places réservées à la droite et à la gauche du Christ. Pour qui sont-elles donc réservées ? La réponse nous est donnée dans le texte lui-même à la fin : « Celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur. Celui qui veut être parmi vous le premier sera l’esclave de tous ». Autrement dit, c’est Dieu qui rend « premier » celui qui a choisi d’être le dernier. Ceux qui veulent trôner à sa droite et à sa gauche, voilà qu’ils voient leur maître prendre l’attitude et la tenue du serviteur, c’est le lavement des pieds, voilà qu’ils le voient sortir de la salle où on voulait le faire roi pour rejoindre les périphéries, les bancs publics et les exclus. C’est ainsi qu’il nous est proposé d’être à sa droite et à sa gauche, quel évangile plus significatif aurions-nous pu lire en cette journée mondiale du refus de la misère ?
Les enfants du KT commencent cette année un nouveau parcours appelé : « Et qui donc est Dieu ? » Des musées ont le magnifique projet de nous faire découvrir qui est l’homme. Je crois que l’Evangile fait de même par un petit détour en nous faisant découvrir qui est Dieu. En Jésus, il se révèle comme le Serviteur de tous.
II y a des mots qui s’usent quand on les utilise un peu trop ! Comme le verbe « servir », trop souvent synonyme de « rendre un service », compris comme une aide occasionnelle, alors que pour Jésus, servir est sa manière d’être, la colonne vertébrale de toute son existence. Le service, est ce qui transpire l’action de Jésus, le service résume sa vie et signe sa mort. Désormais, à cause de cela, servir devient la profession du disciple, la mission de tous les baptisés. Rendons grâce pour Marie-Christine, pour ces 50 années de service des familles à Vaulx-en-Velin, à Toulouse, à Paris ou ailleurs comme Petite Sœur de l’Assomption. Seigneur, donne à chacun de nous l’audace de revêtir le tablier du service là où nous sommes, et d’expérimenter ainsi la joie profonde d’être avec Toi. Amen.