Par Franck GACOGNE

Matthieu 21, 28-32

« Va ranger ta chambre… ». « S’il te plaît, est-ce que tu peux mettre le couvert… » Objectivement vues les réponses que vous avez parfois ou souvent avec vos enfants ou de vos petits enfants, il semble que cela ne leur plaise pas beaucoup. Mais parfois aussi, vous constatez que malgré tout le service est rendu, et personnellement je suis témoin dans le sacrement de la réconciliation que très souvent le remords et le désir de mieux faire est bien présent.

Quand on évoque l’histoire d’un père avec ses deux fils, tout le monde pense à la magnifique parabole dans l’évangile de Luc au chapitre 15, elle est unique dans les 4 évangiles, comme cette histoire d’ailleurs que l’on vient d’entendre qui elle aussi est unique dans l’évangile de Matthieu, mais on ne pense presque jamais à celle-ci. Pourtant, là aussi il est question d’un père et de ses deux fils, là aussi il est question d’une parole qui blesse puis d’un remord qui conduit au changement, à une conversion.

Je pense que cette histoire est très proche de celle de dimanche dernier, vous savez, ces ouvriers de la dernière heure qui reçoivent autant que ceux qui ont répondu oui très tôt. Comme aujourd’hui, c’est une invitation à aller travailler à la vigne, mais dimanche dernier, les derniers appelés n’avaient pas eu l’occasion de dire « non », c’est plutôt qu’ils n’avaient pas été appelés en début de journée. Ici la parabole va encore plus loin, car c’est pour celui qui a commencé par refuser l’appel de son père qu’il est dit qu’il a finalement fait la volonté du Père. Comment comprendre ce paradoxe ?

La chronologie de l’histoire est je crois très importante : ce n’est pas parce que le premier a refusé que le père demande au second d’y aller. Non, regardons bien le texte, le premier, revient sur son refus et décide finalement d’y aller, et ceci, avant que le père ne fasse cette même demande au second fils. Cela signifie que les places ne sont pas limitées, que l’espace pour aller travailler à la vigne de Dieu est large et offert à tous : toute femme, tout homme est invité, a répondre à l’amour du père. Et Jésus n’est pas offusqué qu’on lui réponde « non ». Il porte ce regard d’espérance sur chacun. Il sait chacun capable d’un geste, tôt ou tard, qui réponde ou manifeste l’amour que lui-même est venu vivre avec tous.

Dans cette histoire, Jésus s’adresse spécialement aux chefs des prêtres et aux anciens. Le reproche qu’il leur adresse est double, non seulement parce que drapés de leur savoirs et de leur dignité ils ne se sont pas senti concerné par l’appel à la conversion de Jean-Baptiste, mais en plus parce qu’ils ne se sont pas laissés touchés par celles et ceux qui eux y répondait ; sans doute par mépris, parce que ce sont à leur yeux des personnes infréquentables : prostituées et collecteurs d’impôt.

Ceci peut nous interroger. Y-a-t-il dans notre commune ou dans notre quartier des personnes que nous avons du mal à aborder, à fréquenter, dont nous verrions par exemple d’un mauvais œil leur présence parmi nous ? La Parole de Dieu leur est-elle destinée ? Cette Parole leur est-elle autant accessible que ne l’est souvent notre solidarité et notre soutien ? Par quel biais ? Pourrions-nous nous réjouir qu’ils accueillent eux aussi cette Parole au point que cela puisse contribuer à notre propre conversion. Oui, je crois que l’évangile de ce jour va jusque là.

Voilà pourquoi j’aime une paroisse, quand elle réussi à rassembler des personnes très diverses par l’âge, par l’origine culturelle ou sociale, et tout ce qui contribue à cette diversité et à cette mixité va je crois dans le sens de l’Evangile et devient image du Royaume de Dieu. Alors, que notre paroisse, par les initiatives de chacun d’entre nous puisse continuer ce qu’elle fait déjà je crois très bien : accueillir et réunir dans une même communauté toutes celles et ceux qui désirent répondre oui à l’appel de Dieu pour ensemble grandir dans la foi. Amen.