par René BEAUQUIS

Mt 14,13-21

Sa tentative pour fuir la foule afin de se reposer un peu a échoué, Jésus se retrouve nez à nez avec cette foule qui, parce qu’elle a marché toute la journée derrière lui pour l’écouter, se trouve avoir faim. Les disciples de Jésus ont bien conscience que, sous peu, ils vont se trouver devant un problème à gérer puisqu’ils disent à Jésus : « renvoie donc la foule, qu’ils aillent dans les villages s’acheter à manger ! » Mais pour Jésus, il n’est pas question que ses disciples se replient sur leur petite réserve et ignorent la faim de la foule. « Donnez-leur vous-mêmes à manger », leur dit-il, en leur faisant comprendre qu’ils ont à être solidaires de leurs frères.

 Cette foule qui, toute la journée a suivi Jésus dans la campagne, ne l’a pas suivi pour avoir à manger car elle était loin de se douter que Jésus ferait une multiplication des pains.

C’est une autre faim qui a poussé tous ces gens à la suite de Jésus : une faim de vérité, de lumière, et de guérison. Ressemblant, comme dit Jésus à un troupeau qui n’a plus de berger, ces gens trouvent dans les paroles de Jésus un sens à leur vie. Les paroles de Jésus sont autant de lumières qui les mettent en valeur parce qu’elles les resituent dans leur dignité et la vérité.

Ils découvrent qu’ils sont beaucoup plus que des exécuteurs des préceptes de la loi comme voudraient leur faire croire leurs chefs religieux trop intransigeants. Jésus leur explique que son Père leur a donné la loi comme un chemin pour le rejoindre et vivre dans son amour et non pour les charger d’obligations insensées.

Jésus, en demandant aux disciples de ne pas renvoyer la foule mais de lui donner à manger, se fait solidaire de la faim de l’humanité que ce soit sa faim spirituelle ou matérielle. Lui dont la nourriture est de faire la volonté de son Père, témoigne de la sollicitude de Dieu qui ne se désintéresse pas de nos besoins fussent-ils corporels même s’il estime que nous sommes assez grands pour résoudre nous-mêmes nos problèmes matériels. Notre Dieu qu’on accuse parfois d’indifférence lointaine se fait proche de nos manques. Rappelons-nous les paroles de Jésus : « Votre Père céleste sait ce dont vous avez besoins » ou bien « Le Père connaît vos besoins avant que vous ne lui demandiez ».

Si Jésus se fait solidaire de la faim de l’humanité, il veut qu’à notre tour nous entrions dans sa compassion en nous faisant nous aussi solidaires de la détresse humaine : détresse matérielle ou spirituelle. Jésus a exigé une participation ; le miracle a été possible parce que quelqu’un a donné ses modestes provisions .C’est le miracle du partage. Cinq pains pour cinq milles hommes, c’est la petite part de l’homme à la grande œuvre de Dieu. Dieu veut bien agir mais, à partir de notre participation, de notre engagement .Nous sommes invités à collaborer au travail de l’Esprit à l’œuvre dans le cœur des hommes afin que leurs faims d’amour et de dignité soient satisfaites.

Finalement, à travers ce grand pique-nique que Jésus offre à cinq milles hommes sans compter les femmes et les enfants, Jésus veut nous instruire sur le sens de sa mission. Il est venu nourrir l’homme affamé de Dieu. D’ailleurs ce pique-nique a été précédé d’un long enseignement par Jésus qui se désignera lui-même un jour comme Pain de Vie. Il est clair que Jésus n’est pas venu parmi nous pour distribuer de la nourriture ; nous savons qu’il n’a pas résolu les famines de son époque. Mais il est venu offrir une nourriture de vie éternelle. Lui l’Amour divin, est venu s’offrir lui-même en nourriture à notre faim et soif d’amour infini.

Cet Amour infini de Dieu est symbolisé dans l’évangile d’aujourd’hui par les douze corbeilles qui restent du repas. Dieu donne toujours au-delà de nos attentes.

Les quatre évangélistes racontent la multiplication des pains et y ont perçu le signe de l’eucharistie où le Christ nous donne en nourriture son propre corps.

Le partage au bord du lac est également signe de l’Eglise et de sa mission auprès des hommes : « il donna les pains aux disciples et les disciples les donnèrent à la foule ».Les chrétiens ont à être le cœur et la main du Christ.  L’Eglise se définit comme relais de la mission du Christ. Les gens attendent de nous les chrétiens plus que des conseils de morale. Ils souhaitent trouver auprès de nous le pain de l’espérance, de l’amitié, du courage, du sourire et de l’aide fraternelle.

Dans le notre Père nous demandons notre pain de chaque jour .Ne faudrait-il pas aussi demander la faim de Dieu ?