par Franck GACOGNE

Matthieu 17, 1-9

        Cet évangile que nous venons d’entendre, nous l’appelons souvent la « transfiguration », mais en fait, il serait plus juste de l’appeler la « métamorphose » parce que c’est bien ce mot très fort de « métamorphose » qui est utilisé dans le texte original en grec chez Matthieu comme chez Marc. En revanche dans l’évangile de Luc, c’est différent, Luc ne parle pas de métamorphose, mais seulement d’un changement d’aspect.

        Dans différentes rencontres sur la paroisse j’entends parfois ceci : « Je m’baptise ! » (parole d’un enfant du KT). « J’vais m’confirmer ! » (un lycéen). Ou bien « on voudrait baptiser notre enfant » (des parents). J’aime bien ces expressions, car elles disent bien la volonté et le désir de celui qui parle, mais formulées de cette manière, ces paroles risquent de nous faire oublier je ne me donne pas moi-même un sacrement, mais c’est plutôt Dieu qui se donne lui-même dans un sacrement. Nous n’avons en fin de compte qu’à lui exprimer notre désir de le recevoir, tendre nos mains ouvertes vers lui pour qu’il les remplisse de sa vie. Plutôt que de dire « je m’baptise », on aidera l’enfant du KT à dire : « j’ai envie d’être baptisé », pour un lycéen : « je souhaite être confirmé », pour des parents : « nous souhaitons que notre enfant soit baptisé ». Et bien pour la Transfiguration, on peut se poser le même genre de question : qui est acteur de la Transfiguration de Jésus ? Est-ce Jésus lui-même qui se métamorphose comme si nous étions au beau milieu du scénario d’un film fantastique ? Et bien non ! Jésus laisse son Père le manifester comme « son Fils bien-aimé ». C’est là qu’est l’une des clés de compréhension de cet évangile, et cela nous rappelle alors le moment où il est baptisé par Jean dans le Jourdain. Le sujet de la transfiguration, ce n’est pas Jésus, mais le Père. Jésus, lui, en est le bénéficiaire. Jésus n’est pas acteur de sa propre transfiguration. Il est transfiguré. Il est le réceptacle du visage de Dieu et il en prend toutes les couleurs. Cela peut nous interroger : est-ce que chaque fois que nous recevons un sacrement, chaque fois que nous approchons de l’Eucharistie, nous nous laissons transfigurer, par Dieu qui se donne à nous ?

        Rappelons-nous ces trois portes d’entrée pour le carême : le jeûne, l’aumône et la prière. Nous les avons évoquées le mercredi des Cendres. Et pour chacune d’elles une invitation à « ne pas se composer une mine défaite mais au contraire à se parfumer la tête, à se laver le visage ». Non pas pour faire « bonne figure », c’est à dire se forcer ou faire comme si tout allait bien, mais parce que si orienter sa vie vers le Christ est source de joie et de bonheur profond, alors cela doit se voir. Je crois que le Carême peut être pour chacun d’entre nous le déclencheur d’une vie transfiguré, d’une vie rayonnante. Si nous ressortons de la messe la tête baissée et la mine défaite, ou bien si nous ressortons exactement comme nous y sommes arrivés, cela voudrait dire que rien de bien transcendant, rien de bien transfigurant ne s’y est passé… J’espère que ce n’est pas le cas ! Car après qu’il soit révélé, l’attitude de Jésus envers ses trois disciples n’est ni morne, ni passive mais entreprenante : il s’approche, il les touche et leur dit : « Relevez-vous et n’ayez pas peur ! ». Le Père remplit le Fils de la totalité de son amour : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai mis tout mon amour », et aujourd’hui, spécialement quand nous allons communier, c’est le Fils qui remplis nos vies de la totalité de son amour : « Ceci est mon Corps, livré pour vous ». Comment pourrions-nous ne pas en être transformés à notre tour ?

        Ce matin, nous accueillons particulièrement les couples qui préparent leur mariage cette année, soyez les bienvenus. Vous avez  contacté la paroisse en nous disant : « Je vais me marier », ou mieux, « nous allons nous marier »… peut-être diriez-vous maintenant : « nous souhaitons recevoir le sacrement du mariage… » Depuis plusieurs mois, vous préparez et approfondissez le sens de l’engagement et du sacrement que vous allez vous donner l’un à l’autre. En vous mariant, vous manifestez et actualisez à nos yeux l’Alliance nouvelle que Jésus a désiré vivre avec toute l’humanité. Dieu est amour : merci à chacun de vous, parce que le sacrement du mariage nous le manifeste sensiblement aujourd’hui et maintenant. On ne fait pas un sacrement, on le reçoit, car dans tout sacrement, Dieu ne donne pas quelque chose, mais il se donne lui-même : « Moi, je suis venu pour que les hommes aient la vie, pour qu’ils l’aient en abondance. »

        Que cette eucharistie fasse de nous des femmes et des hommes transfigurés de la vie de Dieu. Amen