par Franck GACOGNE

1 Corinthiens 3, 16-33

Illustrée par une série de 4 poupées russes manipulées pendant l’homélie.

        Voici comment se termine cet extrait de la lettre de Paul : « Tout est à vous, mais vous, vous êtes au christ, et le Christ est à Dieu ». En lisant cela, une image m’est venue, celle des poupées russes qui s’emboîtent. Bien sûr, toutes les images ont leurs limites, mais peut-être que cela peut quand même illustrer les propos de Paul. « Tout est à vous ».

–          Ce tout, c’est le monde que Dieu nous offre : « la vie, la mort, le présent, l’avenir », et la responsabilité de sa création hier, aujourd’hui et demain, tout. Et bien ce tout, Paul nous dit qu’il nous appartient, le monde est confié à l’humanité pour qu’elle en prenne soin, pour que chacun de nous s’en trouve responsable.

–          Voilà donc l’humanité chargé d’accueillir et de veiller sur le monde

–          « Mais vous, vous êtes au Christ » Nous voici nous-mêmes accueilli, aimé, englobé par le Christ parce qu’il vient tout récapituler comme dit magnifiquement St Irénée.

–          Et le Christ est à Dieu l’un et l’autre dans une parfaite intimité, dans une même unité.

Du coup quand au début de ce passage Paul demande qu’est-ce qui est sacré ou selon les traductions, qu’est-ce qui est saint. Et bien c’est Dieu, Dieu seul est le Saint, il est le sacré. Mais attention, Dieu n’est pas une coquille vide ! Il nous est révélé par Jésus qui nous a tout donné. « Le temple de Dieu est sacré », l’habitation de Dieu est sacrée, « et ce temple, c’est vous » !

        Quand on pose la question : qu’est-ce qui est sacré ? Nous raisonnons souvent en terme de séparation : le profane d’un côté, le sacré de l’autre, avec pas, ou peu de communication entre l’un et l’autre. Et on pensera facilement qu’il y a des personnes spécialement ordonnées pour permettre au profane d’accéder au sacré, en veillant à ne jamais laisser le sacré être profané ! Et l’on mettra volontiers du côté du sacré, et bien par exemple le pain consacré à la messe, la Bible, l’Eglise… et du côté du profane l’humanité quand elle est marquée par le péché, la vie quotidienne, ou notre société sécularisée… Mais il n’est pas sûr que cette représentation soit fidèle à la révélation chrétienne, et à ce que Paul nous dit spécialement aujourd’hui dans cette lettre. Cette distinction sacré/profane marque la plupart des religions, mais je ne crois pas qu’elle corresponde bien au christianisme. Le mot « profane » désigne le monde des hommes. Il vient du latin profanum : pro : devant, et fanum : le lieu consacré, autrement dit « devant le Temple ». Or Saint Paul dit précisément dans sa lettre que l’homme n’est pas devant le Temple, ni même dans le temple, mais qu’il est lui même le temple. Pour le christianisme, le monde entier appartient à Dieu, au point d’être en quelque sorte le temple de sa présence. Les domaines ne sont ni séparés, ni amalgamé, mais contenus l’un dans l’autre. C’est l’image de ces poupées qui s’emboîtent : tout appartient à Dieu, et tout est confié à l’homme. Par exemple, la messe n’est pas un acte sacré, de « mise à distance » ; c’est un sacrement, c’est-à-dire un acte de « mise en présence ». Là ou la qualification de sacré produit une séparation d’avec ce qui ne l’est pas, au contraire, le sacrement permet une relation et la prise de conscience d’une intime présence, car Dieu donne tout à l’homme en se donnant lui-même.

        Alors la recommandation de Dieu à Moïse de dire au peuple : « Soyez saints, car moi, le Seigneur votre Dieu, je suis saint » n’est pas une mission impossible. Celle de Jésus à ses disciples dans l’évangile : « Soyez parfait comme votre Père céleste est parfait » est dans la logique même du baptême que nous avons reçu. Comme pour Jésus baptisé par Jean dans le Jourdain, Dieu nous déclare, tu es mon fils, ma fille bien aimée. En toi, j’ai mis « tout » mon amour. Tendre à être saint ou parfait comme Dieu, c’est chercher non pas à ressembler à Dieu qui serait à distance et séparé, c’est bien plutôt chercher à réveiller et à mettre en œuvre tout l’amour que le Seigneur a déjà déposé en chacun de nous.

        « Le temple de Dieu est sacré, et ce temple, c’est vous » ! C’est sur cette conviction que se fonde et se justifie tout le discours moral et social de l’Eglise, c’est là que cette parole d’Eglise trouve toute sa cohérence, car elle vise en fin de compte à dire la dignité de la personne humaine du début à la fin de la vie. Tout homme est une histoire sacrée, l’homme est à l’image de Dieu.