par Franck GACOGNE

Isaïe 8, 23 – 9, 1-3 et Matthieu 4, 12-23

        Quand on dit : tiens, ce WE, je me suis promené ! En général, c’est pour se souvenir d’un temps de loisir et de détente, plutôt que d’un moment difficile. Eh bien, c’est ce verbe que l’on utilise le plus souvent quand on veut découvrir la Bible, on dit que l’on « se promène » dans la Bible. Il y a des mots que je trouve dans un passage que je ne comprends pas, mais les notes ou les « renvois » de ma Bible m’indiquent que j’en trouverai le sens dans un autre livre de la Bible, alors je tourne les pages, je change de livre, et je vais aller voir ; et en effet, cela m’éclaire, mais en même temps, cela me fait découvrir une toute nouvelle histoire que je ne comprendrai à nouveau qu’en allant chercher une réponse encore dans un autre livre avant, ou après. C’est ainsi que l’on découvre la Bible seul, ou bien mieux, dans un groupe. On se promène à travers les livres, et c’est très agréable, car ainsi, Dieu et l’histoire de son peuple se révèle à nos yeux et à nos oreilles.

        Tiens par exemple aujourd’hui : dans l’évangile de Matthieu, je n’ai rien compris au nom des territoires : ce n’est pas Zébulon, mais Zabulon, ce n’est pas Naphtaline, mais Nephtali ! Alors je suis conduit par ma Bible à aller ouvrir le livre de la Genèse. Et là, au chapitre 35, je découvre que Zabulon et Nephtali sont les noms de deux des douze fils de Jacob qui lui-même s’appelle aussi Israël. Je prends alors conscience qu’avant d’être des pays ou des territoires, ce sont des personnes, mais à qui Dieu promet un territoire pour l’éternité (cela explique des choses sur la situation politique de cette région aujourd’hui !). Voilà une première découverte très intéressante. Dans le livre des Nombres au chapitre 26, je découvre que 500 ans après, tout le pays va être divisé pour que la descendance de chaque fils de Jacob (Israël) en ait une portion et puisse l’habiter, mais ce n’est que dans le livre de Josué que ces territoires pourront enfin exister, après de multiples batailles. Parce que pendant tout ce temps là, les descendants de ces 12 fils ont vécu en Egypte, mais la promesse de Dieu tient toujours. Alors au moment où Isaïe écrit (500 ans encore après Josué), nous l’avons entendu dans la première lecture, ce territoire existe cette fois-ci, mais il est occupé, attaqué par des ennemis voisins, les assyriens. Voilà pourquoi, le peuple attend la lumière, il espère être sauvé.

        Je vous propose une seconde promenade, dans la seconde partie de l’évangile. Jésus se promène, il marche au bord du lac et il voit des pêcheurs en train de travailler. C’est un travail qu’ils connaissent, ils le font depuis toujours. Pourtant, Jésus les appelle pour tout à fait autre chose, c’est une vraie reconversion professionnelle comme on dit aujourd’hui. Jésus les appelle à le suivre pour, avec lui, proclamer la Bonne Nouvelle du Royaume, c’est-à-dire témoigner combien Dieu aime chacun, en particulier ceux qui étaient mis de côté. Comment Jésus fait pour les choisir pour cette mission ? Jésus a-t-il organisé un casting, des entretiens d’embauche, test d’aptitude, des périodes d’essai ? Pas du tout, rien de tout cela. Son choix est complètement hasardeux : il passe, il les voit, et il les appelle ! Il fait le pari que toute personne est apte et capable de le suivre, d’être son témoin. Une seul chose est nécessaire, lui faire confiance, et être capable de se dégager du temps ou se désencombrer de choses moins importantes. Nous ne sommes pas des spécialistes de la Bible ou des questions de Dieu, pas plus, mais pas moins non plus que les pêcheurs que Jésus appelle. Pourtant aujourd’hui c’est nous qui sommes dans cette église et qui entendons cet appel, c’est à chacun de nous qu’il est fait. Parce que Jésus, au nom de notre baptême, nous crois capable par nos gestes et nos paroles de témoigner dans le quotidien de l’amour qu’il porte sur chacun.

        Voici enfin une dernière promenade ! Enfant, je suis sûr que beaucoup d’entre nous se souviennent d’explorations dans la nature ou en montagne, comme par exemple d’essayer de remonter un torrent pour découvrir d’où il arrive ! Cette expérience est passionnante : rivière ou simple ruisseau je l’aime, j’y suis attaché parce que c’est celui de mes vacances, c’est comme si c’était le mien. Il contient pourtant une part de mystère, parce que je profite de son eau, mais je ne sais pas d’où elle vient. Alors un matin très tôt, je décide de remonter le courant, et assez vite, je tombe sur des embranchements. Je ne sais pas très bien où ils vont plus bas en aval, mais je constate qu’ils sont eux aussi alimentés de la même eau que mon ruisseau. Ma curiosité et ma soif de découverte me font aller plus loin et plus haut encore, croisant d’autres embranchements, oubliant même l’heure qui passe, jusqu’à remonter à la source. Et lorsque j’y parviens au terme d’un long chemin de montée, depuis cette source, je peux contempler et m’émerveiller de tant de contrées, tant de terrains que je ne connaissais pas et qui sont pourtant irrigués de la même eau, fertilisés par elle. Cette eau dont au départ je me croyais propriétaire et qui me semblait être mon ruisseau à moi.

        Que nous enseigne cette parabole pour aujourd’hui ? Peut-être qu’elle veut nous dire que l’unité de tous les chrétiens ne s’accomplira que le jour où chacun de nous décidera de quitter son pré carré, et aura le désir de remonter le cours d’eau qui passe chez lui. C’est l’eau du baptême ; et elle nous conduit à Dieu, car c’est au nom du Père du Fils et du Saint Esprit que nous avons tous été baptisés. Si chaque baptisé accomplit ce déplacement physique et spirituel en remontant à la source de sa foi, non seulement il rencontrera d’autres baptisés en chemin, mais ensemble ils feront route, ils convergeront, et ils se découvriront unis dans le Christ Jésus. Je crois qu’il n’y a qu’un seul garant de l’unité de la famille chrétienne toute entière, c’est celui qui en est à l’origine : Jésus-Christ, à condition que chacun reconnaisse que tout découle de lui. Amen