par Eric de NATTES

Marc 6, 1-6

Une écharde dans la chair – Nul n’est prophète en son pays

2ème aux Corinthiens : Une leçon de vie spirituelle dans le seconde lettre de Paul aux Corinthiens. Paul confesse ’’une écharde dans sa chair’’ ! Quoi que ce puisse être – on a écrit de vrais romans sur cette écharde – cela humilie Paul. Cela ne correspond pas à l’image qu’il se fait de lui, à ce qu’il aimerait être. C’est un conflit au sein de sa personne, conflit qu’il aimerait résoudre par l’intervention de Dieu, ce qui lui est refusé. Intéressant ! À l’inverse de bien des personnes qui nient leur conflit intérieur, qui ne veulent pas le regarder en face, et, plus que tout peut-être, qui ne veulent surtout pas que les autres puissent le voir, afin de ne pas déchoir dans leur regard, Paul est lucide et il veut traiter ce conflit intérieur. Mais le traiter, dans un premier temps, cela signifie le résorber, le faire disparaître. Or, tous les conflits intérieurs ne sont pas solubles par l’intervention d’un ‘’Deus ex machina’’, d’une potion magique, d’une ‘’guérison miraculeuse’’. Certains conflits sont appelés à prendre du sens dans nos personnes, parce qu’ils révèlent un équilibre, certes douloureux, qui nous est au bout du compte bénéfique. Et tant pis pour l’image idéale de nous-mêmes et notre image sociale écornée. Seul le réel peut être sauvé par Dieu. Les illusions comme les mensonges sur soi sont des mirages qui s’évanouissent un jour ou l’autre, laissant le roi nu !

Paul en tire une première leçon, cette gifle donnée à la personne qu’il rêvait d’être, lui évite de se surestimer, dit-il. Cette écharde le ramène à sa vérité et lui permet d’accueillir celle des autres sans les prendre de haut.

Et il y a la réponse du Seigneur : ‘’c’est ma puissance qui donne sa mesure dans la faiblesse.’’ L’œuvre de Dieu est toujours une œuvre de résurrection, de réhabilitation de la vie, d’étayage de la vie, de renaissance, de croissance du Royaume. Cela ne se mesure pas avec des critères quantitatifs. Le temps aussi se mesure autrement, traversant les générations. La mort elle-même s’intègre à cette vie qui renaît, quand elle se fait don. Qui serait capable de mesurer cela ? L’échelle nous dépasse et l’œuvre accomplie est pour une large part invisible à nos yeux. Quelle conscience avait Paul de la réussite ou de l’échec de son activité à sa mort ? Comment aurait-il pu entrevoir ce que nous en comprenons 2000 ans après ? Et Qu’est-ce que Dieu en pense ?

Seigneur, apprends-nous l’humilité. Ni nous dévaloriser, ni nous surestimer, mais nous connaître tels que nous sommes. C’est le travail premier de toute vie spirituelle. Alors, ta puissance pourra opérer dans cette personne réelle que nous sommes, alors  une vie de l’Esprit pourra s’épanouir en nous.

Évangile : nous sommes ici dans la famille, ou plus largement l’univers familier, celui de l’enfance, de l’adolescence, celui des années de formation, de croissance ; un village, une terre, une communauté ou presque tous se connaissent ou croient se connaître ; un monde rassurant mais qui peut aussi devenir étouffant, voire castrateur : ‘’il ne put accomplir beaucoup de miracles.’’

Marc est celui qui manifeste le plus clairement l’opposition entre Jésus, son entourage à Nazareth, et même sa famille. St Jean dira : ‘’ses frères eux-mêmes ne croyaient pas en lui’’. C’est en Galilée que l’essentiel de son action se déroulera. L’opposition à Jésus, qui aboutira à sa condamnation, commence donc dans le cercle familial. Cercle familial dans lequel n’apparaît pas de père, chez St Marc. Ce vide est intéressant. Il n’est pas un oubli chez l’évangéliste, mais plutôt un point de fuite dans le tableau, pour interroger et porter le regard, l’attention, l’écoute, plus loin : ‘’Écoute, Israël, le Seigneur ton Dieu’’. L’autorité d’un papa, d’une maman, d’une fratrie, doit laisser place à celle du Père. S’il faut savoir honorer son père et sa mère, il faut aussi savoir les quitter ainsi que le dit la Genèse. Les désirs d’un papa ou d’une maman sur ses enfants et l’appel du Père sur chaque vie ne se superposent pas.

Ô Père, apprends-moi à regarder les enfants de ce monde, et plus encore si c’est le mien, comme un mystère dans lequel ta volonté est appelée à s’accomplir.