Par Franck GACOGNE

Luc 12, 49-53

Le « feu de Dieu » ! Voilà une expression qui est entrée dans le langage courant pour exprimer l’intensité, l’extraordinaire d’une situation. « Je suis venu apporter un feu sur la terre, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé ! » Jésus nous livre ici son désir le plus ardent : que nous puissions vivre en cheminant avec lui, l’expérience des disciples sur la route d’Emmaüs qui disaient ceci : « Notre cœur ne brûlait-il pas en nous tandis qu’il nous parlait en chemin et nous ouvrait les Ecritures ? » Jésus n’attends qu’une seule chose c’est que nous cherchions à toujours alimenter le feu de la Pentecôte, la flamme du baptême que nous avons reçue. La Parole de Dieu, son amour donné est un feu qui réchauffe, qui illumine, qui rassemble. Il y a des moments dans une vie comme les JMJ par exemple, où on l’expérimente concrètement et intensément. Comme de Moïse devant le buisson ardent, ce feu là ne dévore pas, il ne consume pas celui qui s’en approche. Le plus sûr moyen de ne pas risquer de laisser s’éteindre la flamme, c’est de l’alimenter par une foi vivante et engageante, mais c’est aussi de la transmettre à d’autres. Nous nous rassemblons le dimanche pour attiser la flamme de la foi, pour souffler sur les braises de notre baptême, pour que le feu de Dieu éclaire notre vie et lui donne du sens ; mais à la fin de la messe, nous sommes surtout envoyés pour porter cette lumière pour qu’elle brille autour de nous. Hier lors d’un mariage que je célébrais, les mariés avait choisi le passage de l’évangile de Matthieu où Jésus dit à ses disciples : « Vous êtes la lumière du monde » et Jésus ajoute que cette lumière doit être mise en hauteur pour qu’elle brille, qu’elle illumine loin et soit visible de loin. « Vous êtes… » Prenons conscience que nous avons reçu la lumière qu’est le Christ, que toute notre vie, nous avons à devenir ce que nous avons reçu, et en même temps appelés à transmettre, à rendre visible. Lors de la veillée pascale, vous avez tous remarqué que la flamme se transmet à la vitesse de la lumière dans l’église. Transmettre la flamme à quelques voisins ne diminue en rien celle que je porte. En revanche la garder jalousement pour soi est le plus sûr moyen qu’elle finisse par s’éteindre et que personne alentour ne puisse la rallumer.

La seconde partie de notre évangile est beaucoup plus difficile à comprendre. Jésus semble dire qu’il n’est pas venu mettre et apporter la paix, mais plutôt la division. Que devons-nous donc comprendre de cette affirmation de Jésus ? Les commentaires des biblistes sont très disparates, parfois même embarrassés. Je vous propose une interprétation personnelle.

Si, très énervé, il peut m’arriver de dire à quelqu’un : « Fout moi la paix ! ». Même si après cela je ne vois plus cette personne et qu’elle ne m’importune plus, pas sûr qu’après cet emportement je sois vraiment en paix, ni avec elle, ni avec personne d’autre d’ailleurs. La paix réclamée ainsi n’est pas réelle, elle est une illusion qui ne peut conduire qu’au renfermement sur soi, ou au remords. Eh bien je pense que Jésus reproche à ces interlocuteurs de vouloir et d’attendre cette paix là, celle qui au lieu de permettre une vraie communion avec l’autre, conduit en fait à l’exclure de son périmètre de vie et de ses relations. C’est exactement ce qui se passe pour le prophète Jérémie dans la première lecture : il est jeté dans la citerne par ceux qui ne supportait plus d’être contrarié, sa parole dérangeait les puissants de ce monde. Jérémie ne prêchait pas la défaite, mais l’écoute du Seigneur. Jésus, de la même veine, n’est pas venu nous caresser dans le sens du poil. La paix qu’il veut nous donner cherche à remettre en question les illusions de paix, les fausses paix qu’il peut nous arriver d’établir parfois avec nos plus proches. Peut-être nous disons-nous : « Pourquoi prendre le risque remuer la vase, et de faire la vérité dans ma relation avec mon fils, ma fille, mon père, ma mère, ma belle-mère, ma belle-fille, alors que depuis tant d’année j’ai réussi à étouffer l’affaire ou à noyer le poisson ? » Mais voilà que Jésus nous propose justement de prendre le risque de la division avec nos plus proches, au moins d’une façon passagère, en choisissant d’être en vérité et en véritable paix avec l’autre, plutôt que le faux semblant et le mensonge rampant qui biaise durablement la relation.

Fais de nous Seigneur des artisans de ta paix, pour que le feu de ton amour illumine nos vies et ce monde que tu aimes. Amen.