Par Franck GACOGNE

Luc 10, 1-12.17-20

Qu’y-a-t-il comme points communs entre ces disciples envoyés en mission par Jésus il y a deux mille ans et nous-même aujourd’hui ? Eh bien je crois qu’il y en a bien plus qu’on ne le pense.

Nous sommes dans une période de l’histoire de l’Eglise où la plupart des gens que vous rencontrez et que je rencontre ne connaissent pas Jésus, n’ont jamais entendu parlé de l’Evangile. Quand je prépare la célébration d’un baptême avec des parents, 4 sur 5 me disent ne pas avoir de Bible ou d’évangile chez eux, et parmi ceux qui en ont une, 9 sur 10 ne l’ouvrent jamais. Je dis cela juste pour que nous comprenions bien que, comme il y a deux mille ans, lorsque nous sommes amenés à parler de la foi, nous sommes dans la configuration d’une « première annonce ». Je vois un deuxième point commun entre notre situation et le texte que nous avons entendu. Dans l’évangile ce ne sont pas les 12 apôtres qui sont envoyés, comme s’il n’y avait qu’un petit groupe d’élite labélisé et autorisé comme témoins. Non, ce sont 72 disciples qui sont pris parmi le tout-venant des auditeurs de Jésus, sans charge particulière ni fonction déterminée : Ces 72 qui sont envoyés, je crois que c’est chacun de nous ! Au jour de notre baptême, chacun de nous reçoit cette mission d’être témoin du Christ, le Vivant.

Alors pour mieux comprendre la mission que nous avons reçue, regardons bien dans l’évangile ce qu’ils sont invités à faire. Jésus commence par leur demander de prier Dieu pour qu’il envoie des ouvriers pour sa moisson. Sauf que là, surprise, c’est eux-mêmes qui sont immédiatement envoyés : « Allez, voici que je vous envoie… » Eh oui, ils découvrent que si prier est nécessaire, ce n’est pas pour se défausser sur Dieu ou être quitte… Prier ne consiste pas à demander à Dieu qu’il fasse à ma place, prier, c’est demander à Dieu la force et le courage d’accomplir en son nom la mission que j’ai reçue.

Ensuite, Jésus ne leur demande pas de partir en croisade en brandissant un étendard de vérité devant tous ceux qui seraient dans l’erreur ou l’ignorance. Non, mais ils ont quand même une feuille de route et reçoivent des recommandations. J’y vois 4 étapes :

 

  1. 1 – La première chose qu’ils sont invités à dire, c’est « Paix à cette maison », comme les paroles que Jésus lui-même prononce après sa résurrection : « la paix soit avec vous ». Comme pour indiquer qu’être témoin du Christ c’est être pacificateur, c’est être artisan de paix. Cela suppose une disposition du cœur, un regard, une attitude de miséricorde, d’empathie, de compassion, cette attitude libère la parole et la facilite dans un échange vrai et confiant.
  2. 2 – Jésus leur demande ensuite de prendre part à la vie de famille de ceux qui les reçoivent : « Restez dans cette maison, mangeant et buvant ce que l’on vous sert, ne passez pas de maison en maison ». Parce que l’on ne peut avoir un échange et un dialogue approfondie que dans l’expérience partagée. Connaître quelqu’un, autant que faire se peut, suppose de la durée, de la constance, connaître quelqu’un suppose d’expérimenter avec lui son quotidien.
  3. 3 – « Guérissez les malades » nous dit Luc l’évangéliste, c’est le médecin qui parle ! Et ce n’est pas parce que je ne le suis pas que j’en suis dispensé. « J’étais malade, et vous m’avez visité… » nous dit Jésus. Ce matin, c’est Jean-Claude qui sollicite notre attention et notre prière. Nous comprenons que la vie est incertaine, mais comme tu nous l’as dit dimanche dernier dans ton homélie, elle est toujours devant, le Christ nous l’a ouverte. Que tu sois réconforté par l’onction ce matin, et soutenu par notre prière fraternelle.
  4. 4 – Dernière recommandation dans l’évangile dites « le Règne de Dieu s’est approché de vous ». Il y a des moments que nous vivons qui sont si intenses qu’ils sont comme suspendus, la grâce fait son œuvre mais nous n’osons pas toujours la nommer. Comme dit Jacob dans la Genèse, « le Seigneur est ici et je ne le savais pas… » (Gn 28, 16). Bien souvent, la pudeur nous fait taire ce que pourtant chacun ressent profondément en lui-même. Le règne de Dieu que nous demandons dans la prière du Notre Père n’est pas une puissance oppressante et fracassante. Non, c’est bien plutôt le souffle doux et subtile d’une brise légère (1 R 19, 12).

 

Qu’au cœur de l’été nous puissions rendre grâce pour cette manière du Seigneur de vouloir passer parmi nous. Qu’il accompagne notre marche. Amen.