Par Franck GACOGNE

Luc 7, 11-17

Notre société est-elle en progrès ? Sur bien des points concernant la technologie, le numérique ou l’avancée des connaissances scientifique, oui, sans doute. Sur des questions sociales, concernant le « vivre ensemble » ou sur des questions politiques en général, on en est déjà moins sûr. En revanche concernant la souffrance ressentie à l’occasion de la perte d’un proche, sur la manière d’accompagner ou d’apaiser la douleur liée au deuil, aucun traitement ne semble systématiquement approprié ou efficace. Aucune parole, aucune attitude ne viendra à coup sûr apaiser l’incompréhensible ou le non-sens.
Eh bien je vais peut-être vous décevoir, mais Jésus n’est pas venu pour rendre compréhensible ce qui ne l’est pas, ou pour donner du sens à ce qui n’en a pas. Dans l’attitude de Jésus qui voit cette femme enterrer son fils unique, je vois deux choses qu’il nous faut bien repérer et distinguer. J’y vois tout d’abord son attitude comme « Fils de l’homme », puis ensuite son attitude qui le révèle « Fils de Dieu ».
Jésus est accompagné d’une grande foule et il entre dans une ville qui s’appelle Naïm. Son groupe en croise un autre tout aussi nombreux qui accompagne une veuve qui sort de la ville pour enterrer son fils unique. Ces deux groupes auraient très bien pu se croiser sans se considérer. Mais voilà que Jésus s’arrête, il quitte le groupe qui l’entraînait vers la ville pour rejoindre celui qui en sortait. Si Jésus fait cela, c’est parce qu’il se sent concerné, bien plus que cela, il est profondément touché, il est remué jusqu’aux entrailles à la vue de la souffrance de l’autre, il est pris aux tripes, saisi de compassion pour cette femme. Il ne la connaît sans doute pas, ni elle, ni son fils, mais il s’approche et il touche le cercueil, il adresse des mots à cette femme, il la réconforte. Eh bien cette attitude-là, c’est celle qui est à notre portée, il nous revient de l’accomplir, Jésus nous en montre l’exemple.
Nous aussi, nous appartenons à des groupes bien déterminés, à commencer par notre famille bien sûr, mais c’est aussi le collège, le travail, telle activité qu’on pratique. On se crée même des réseaux avec ceux qui nous ressemble ou qui partage un même intérêt. Nos vies sont cloisonnées, et ces groupes nous entraînent et nous conduisent, souvent avec notre consentement, à un rythme effréné. Toute la question est donc de savoir si, comme Jésus, nous savons stopper cet entraînement pour nous laisser toucher par la souffrance ou les difficultés d’an autre : un voisin, un collègue, un autre élève de ma classe qui n’est pas de mon groupe, que je ne connais pas particulièrement, mais dont je devine la détresse ou l’isolement. Fêter, célébrer la foi qui nous rassemble, recevoir pour la 1ère fois le Corps du Christ, c’est nous sentir fortifier par le Seigneur et c’est essentiel ; mais c’est aussi se savoir envoyé chacun personnellement au nom même de cette foi que nous proclamons. Envoyé pour prendre l’attitude de Jésus le « Fils de l’homme », envoyé pour sortir du groupe qui dirige et oriente ma vie, afin de prendre des chemins de traverses pour oser un geste une parole que nous pensons pouvoir être apaisante, réconfortante pour celui ou celle qui est en souffrance.
Ensuite, nous le voyons dans l’évangile, Jésus a une deuxième attitude qui le révèle comme « Fils de Dieu », c’est de permettre à cet homme de se remettre debout, c’est le signe que Jésus ne nous laisse pas dans la mort. La vie nouvelle qu’il reçoit lui-même du Père, il l’offre à tous ceux qui, comme lui, passe par la mort.
Autrement dit, la première attitude de Jésus nous indique ce que nous sommes appelé à faire : prendre notre part pour contribuer à remettre debout ceux qui sont accablés par la vie. La deuxième attitude de Jésus nous indique ce que lui fait : nous offrir sa vie à notre dernier jour.
« Fais ce que tu peux faire, nous dis Jésus… et fais-moi confiance pour ce qui me revient ! »