Par Jean-Claude SERVANTON

Luc 9, 51-62

« Quiconque met la main à la charrue, puis regarde en arrière, n’est pas fait pour le royaume de Dieu. » Je ne suis pas agriculteur mais je pense que c’est un mauvais laboureur. Pendant qu’il regarde en arrière, le soc de la charrue peut heurter une pierre ou une motte de terre qui lui fait quitter le sillon commencé. Pourquoi ne pas regarder en arrière? Et si regarder en avant était une question de sagesse et surtout une question de foi?

Regarder en arrière… aujourd’hui on nous parle beaucoup de travail de mémoire, sans doute pour éviter les erreurs du passé et profiter de ses enseignements.  Regarder en arrière… On évalue le travail accompli avant de le poursuivre… on fait des relectures. En vieillissant on égrène des souvenirs. En fait le passé peut être plein d’enseignements, mais il est mort. C’est peut-être le sens la parole abrupte de Jésus: « Laisse les morts enterrer leurs morts ».

La vie est toujours devant soi… quelque soit notre âge… Nous avançons jour après jour, pas à pas, sans doute sans savoir de quoi demain sera fait. Malgré tout nous travaillons, nous parlons, nous écoutons, nous aimons… L’enfant, les nouveaux mariés ont tout l’avenir devant eux et nous pouvons les envier. Nous voyons bien qu’au départ de cette vie il y a un oui, oui à la vie ensemble, et ce oui de départ, ce oui de naissance est à reprendre chaque jour. C’est sagesse… pour le croyant c’est surtout une question de foi.

« Comme s’accomplissait le temps où il allait être enlevé au ciel, Jésus, le visage déterminé, prit la route de Jérusalem ».  Jésus est à un tournant de sa vie. Il quitte la Galilée où il ne reviendra pas. La route de Jérusalem est celle de la croix. Jérusalem qui tue les prophètes, Jérusalem sera aussi la capitale de la vie, de la résurrection, vers laquelle reviendront les disciples d’Emmaüs, la ville de la Pentecôte, la ville de la nouvelle naissance. Jésus se met en route pour accomplir le don de lui-même jusqu’au bout, fidèle à sa mission jusqu’au bout qu’il peut entrevoir. La vie est devant lui, même si elle doit passer par la mort.

Croire, si c’est suivre le Christ, nous ne pouvons nous arrêter en chemin… lui qui n’a pas d’endroit pour reposer la tête… c’est sans doute un grand signe de pauvreté mais surtout un signe de détachement… Nous avons besoin d’un endroit pour reposer la tête. J’ai appris à connaître l’importance d’un toit avec ceux qui n’en ont pas. Mais nous savons bien que l’hébergement n’est pas la fin de tout. « Laisse, moi d’abord ». Nous avons déjà entendu cette parole… laisse, moi d’abord. « D’accord » peut répondre l’autre… mais au bout d’un moment je peux me demander à qui ou à quoi tu tiens le plus.

Et nous voici en route avec le Christ, lui seul sait où il va… les disciples auront du mal à comprendre… lui seul nous entraîne vers le long terme que nous ne connaissons pas mais dont il a ouvert la route.