Par Jean-Claude SERVANTON

Luc 7, 36 – 8, 3

« Qui sommes-nous? » Des fois nous avons envie de dire « pas grand chose. La vie est si courte. Nous sommes vite mis par terre moralement ou physiquement. Quand nous sommes au mieux de notre forme, quand nous avons réussi, nous pensons que nous sommes quelqu’un. Dans ce passage de l’évangile de Luc, je vous invite à croiser les regards des différents personnages: le regard du pharisien sur Jésus et la femme, le regard de la femme sur Jésus, et bien sûr le regard de Jésus sur la femme pour nous conduire à porter notre regard sur Jésus et nous-mêmes, et peut-être serons-nous sauvés par ce regard de Jésus.

Le regard du pharisien sur Jésus d’abord et la femme ensuite est assez rapide: « Si cet homme était prophète, il saurait qui est cette femme qui le touche et ce qu’elle est, une pécheresse. » Ainsi l’affaire est classée, ou plutôt Jésus et la femme à ses yeux sont classés. Jésus n’est pas un prophète ni la femme une pécheresse. Ne lui jetons pas la pierre. Il a quand même invité Jésus à manger. Et Jésus nous permet de comprendre son regard, c’est un homme juste, il a peu de choses à se faire pardonner… il n’a pas de grosses dettes à se faire rembourser.

Alors Jésus est obligé de lui faire voir la femme. « Tu vois cette femme« … et tout ce qu’elle a fait pour lui, sur lui… elle a montré beaucoup d’amour. Cette femme a porté sur Jésus le regard de l’amour, de la confiance, de l’amour anticipé. Elle sait bien qu’elle n’est qu’une pécheresse et elle ne le cache pas, la voici avec du parfum, ses beaux cheveux séduisants. Elle embrasse, mais ses baisers changent de sens, ils ne cherchent pas à donner du plaisir, ils sont preuve d’amour, de son cœur retourné. On peut dire que le pardon qu’elle sait que Jésus ne peut que lui donner provoque beaucoup d’amour.

Quel regard Jésus porte sur cette femme? Oui elle est une pécheresse, tout le monde le sait, ou cela se voit… nul besoin d’être prophète… Jésus, à travers ses gestes a vu sa foi. « Ta foi t’a sauvée va en paix« . Le pardon provoque beaucoup d’amour et Jésus, porteur de l’amour, de la miséricorde de Dieu, lui adressa la parole. Cette femme-objet devient une personne à laquelle il parle. L’amour provoque le pardon.

Remarquons que les convives restent sur une question: « Qui est cet homme qui va jusqu’à pardonner les péchés? » C’est peut-être bien la question qui nous reste. Le regard que Jésus porte sur nous a des conséquences sur le regard que nous portons sur nous-mêmes et les autres. En somme, nous avons le choix entre l’accueil de la miséricorde ou le jugement. Si nous accueillons la miséricorde, nous n’avons plus à nous demander ce que nous sommes, ce que nous voulons. Nous sommes pardonnés, pécheurs sans doute mais pardonnés. Nous ne sommes pas sauvés parce que nous agissons bien, nous sommes sauvés et c’est pourquoi nous agissons bien. N’oublions pas, Dieu nous a aimé le premier. Dieu est plus grand que notre cœur. C’est vrai pour moi et les autres quels qu’ils soient. Et cette foi change le regard que je porte sur moi et sur les autres.