Par Franck GACOGNE

Luc 9, 28b-36

Une désignation et une recommandation : voilà les deux éléments qui me semble ressortir de ce passage et peut-être d’ailleurs aussi de tout l’Evangile. Ne cherchons pas dans l’évangile des réponses à tous nos problèmes ou des recettes de cuisine prêtes à l’emploi pour bien conduire notre vie. Non, l’Evangile est avant tout une Révélation, une désignation. Si bien souvent les disciples demandent à Jésus de leur parler du Père, dans ce passage, c’est au contraire Jésus lui-même qui est révélé, qui est désigné comme Fils et choisi comme tel. Huit jours avant, Jésus avait demandé à ses disciples qui il était pour eux, et Pierre lui avait répondu : « Tu es le Christ, le Messie de Dieu ». Ce même Pierre est maintenant témoin de ce que Dieu lui-même dit de Jésus : il est son Fils, celui qu’il a choisi. « Il est bon que nous soyons ici » affirme Pierre, en effet il a raison, car cela lui permet de percevoir, d’assimiler cette révélation inouïe.

Il peut y avoir au cours de notre vie spirituelle des moments clés où nous nous sommes dit : « Il est bon que nous soyons ici », parce que dans telle célébration, tel lieu magnifique, telle prière habitée, telle rencontre ou témoignage, nous avons perçu intimement quelque chose de Dieu qui se révèle à nous. Même si cette perception est restée flou comme dans la nuée, elle nous a touché au cœur et a constitué profondément en nous comme la certitude que Dieu est tout amour et qu’il nous donne sa vie en abondance. Une expérience de transfiguration en quelque sorte pour laquelle il était bon que nous soyons là.

Mais attention, s’il est bon d’être ici, il n’est en revanche pas bon d’y rester d’y demeurer comme dans un cocon bien douillet, de s’y installer en y plantant la tente. C’est le deuxième élément clé de ce récit après la désignation, la voix qui se fait entendre fait une recommandation : « Ecoutez-le ». Et précisément ce qu’il y a à écouter de sa part n’est pas facile à entendre pour les disciples : car dans le passage qui précède comme dans l’échange entre Moïse et Elie, c’est de la montée de Jésus à Jérusalem dont il est question. Quand Jésus veut que nous l’écoutions, c’est pour nous dire qu’il va souffrir, qu’il va être rejeté, être tué et ressusciter le troisième jour. Quand Jésus veut que nous l’écoutions, c’est pour nous dire que marcher à sa suite suppose de renoncer à nous-même et de lui faire confiance. Ecouter le Christ, c’est le suivre sur un chemin escarpé et rugueux parce qu’il n’esquive pas les souffrances de toutes les personnes qu’il rencontre. Ecouter le Christ, c’est aussi le suivre le chemin des béatitudes, celui qui nous fait expérimenter le bonheur comme une conséquence du détachement, quand nous cherchons avant tout à faire le bonheur des autres. Ecouter le Christ, ce n’est pas être statique et faire perdurer à tout prix l’expérience de la rencontre, mais c’est la vivre quotidiennement, intensément.

Laissons-donc nos vies transfigurer la rencontre que le Christ nous donne d’expérimenter ici et maintenant. Amen.