Par Franck GACOGNE

Jean 18, 33b-37

Pour le dernier dimanche de cette année liturgique, nous fêtons aujourd’hui le Christ, roi de l’univers ! Rien que ça ! A peine ce titre exprimé, nous voilà comme transporté dans une autre époque, notre imaginaire nous projette quelques siècles en arrière ou même à l’époque féodale. Nous viennent peut-être alors des images de grand seigneur ayant tout pouvoir sur leur territoire, sur les hommes qui l’habitent et qui leur appartiennent. Des images médiévales de rois qui auraient pouvoir de vie et de mort sur leurs sujets. S’agit-il donc de cela lorsque l’Eglise affirme que le Christ est roi ? Quelle image avons-nous derrière la tête lorsque nous parlons de la royauté du Christ ? Quelle que soit cette image, ayons bien conscience qu’elle n’est certainement pas adapté parce que la première des choses que nous dit Jésus dans cet Evangile c’est ceci : « ma royauté n’est pas d’ici », comme pour disqualifier d’emblée un quelconque rapprochement que nous serions tenté de faire avec l’histoire. La royauté de Jésus est une toute autre histoire : roi, oui, mais pas à la manière de ce monde : ni prestige, ni force, ni domination. De quoi s’agit-il alors ? Loin des trônes, de l’or, ou d’une cour, pour manifester la royauté du Christ, l’Eglise nous donne à méditer le récit de sa passion : c’est troublant, quel paradoxe ! Nous y voyons Jésus et Pilate face à face. N’est-ce pas plutôt à Pilate que nous voudrions attribuer plus spontanément le titre de roi ? Pilate qui a une autorité qui vient des hommes, et qui a pouvoir sur eux. Alors que pour Jésus, c’est un bien piètre roi que les Evangiles nous présentent : couronné d’épines, battu et ridiculisé par les gardes, pour être ensuite cloué au bois de la croix entre deux larrons. La foule est là devant lui, oscillant entre la pitié et la haine. Les responsables, chefs et prêtres, triomphent et ricanent devant ce prétendu roi des Juifs dont ils ont fini par triompher. Il y a un très beau chant pour la fête de l’épiphanie qui commence comme cela : « Qui es-tu roi d’humilité, roi sans palais, rois sans armée, nous sommes venus t’adorer des bouts du monde »

Et pourtant, quand on lit ce passage de la Passion et que l’on connaît la vie du Christ, comment ne pas être impressionné par la force qui transcende cette situation : une royauté sublimée dans le service parce que Jésus va jusqu’au don total dans sa fidélité à la mission reçue et assumée. Une royauté manifestée dans la fraternité avec les plus petits et dans lesquels il s’identifie. Une royauté dont l’origine et l’accomplissement est entièrement son amour offert gratuitement à tout homme, et sans condition. Une royauté qui vient de Dieu et qui nous y conduit. Une royauté comme celle-ci, comment en effet ne pas avoir le désir qu’elle s’étende sur tout l’univers, du début à la fin : l’alpha et l’oméga nous dit le livre de l’Apocalypse, c’est-à-dire en tout lieu et en tout temps. Que ton règne vienne : quelle belle demande, et quelle profonde espérance en ces temps.

Vous avez remarqué, le dialogue entre Jésus et Pilate s’oriente sur la vérité. Bien plus que cela, Jésus nous révèle que ce qui régit son royaume, c’est la Vérité : « Je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité. » Le mot « vérité » au sens biblique veut dire « fidélité solide » de Dieu (en hébreu, c’est la même racine que le mot « amen » qui signifie ferme, stable, fidèle, vrai). C’est bien ce que l’on peut dire de Dieu quand on regarde Jésus : en effet, il est ferme, stable, fidèle et vrai. Précisément parce que la Vérité n’est pas une idéologie mais une personne : « Je suis le chemin, la vérité et la Vie », la Vérité, c’est Dieu lui-même. Qui dès lors oserait affirmer détenir la vérité. On cherche à appartenir à la vérité comme on appartient au Christ par le baptême, mais il ne nous appartient pas (au jour du baptême, il nous est dit que nous participons à sa dignité de prêtre, prophète et roi). Le Christ dépasse largement les frontières, car c’est le propre du Christ de ne pas se laisser accaparer, pas même par son Eglise, son Royaume est bien plus large que l’Eglise et la fête de ce jour le signifie : Christ-roi de l’univers. « Quiconque appartient à la vérité écoute ma voix » dit Jésus à la fin de ce passage, et surtout, cette vérité auquel il appartient le rend libre. La vérité vous rendra libre affirme St Jean. Contre toute apparence, c’est le Christ qui face à Pilate est libre. De ses propos se dégage une assurance, une sérénité, un « amen », parce qu’il est dans la confiance du Père. Alors que Pilate lui est enfermé dans la crainte ; la vérité lui fait peur, il est désarmé par les mots de Jésus.

        Viens Seigneur régner dans nos cœurs alors nous goûterons à la vraie liberté, celle d’aimer et de se savoir aimé.