Par Jean-Claude SERVANTON

Mc 10, 46b-52

Quand j’étais enfant, plus fréquentes qu’aujourd’hui survenaient des pannes d’électricité. Nous allumions alors la flamme d’une lampe à pétrole. Et mon père disait qu’il nous fallait voir avec les yeux de la foi. Et bien aujourd’hui, sans jeu de mot, nous voyons ce que peuvent faire les yeux de la foi. Un aveugle avec ses seuls yeux de la foi jette son manteau, bondit et court vers Jésus.

« Les yeux de la foi… » Quand la vision devient difficile, nous avons recours aux yeux de la foi. Pour avancer, pour prendre un objet dans l’obscurité nous tâtonnons. Les yeux de la foi suppléent difficilement nos yeux de chairs, éclairés par la lumière du jour ou par la lumière électrique. « Les yeux de la foi… » Dans nos vies quotidiennes, il nous arrive aussi de marcher à tâtons… Que dire? Que faire? Les yeux de l’esprit ne nous permettent pas toujours de voir clair. Nous broyons du noir. Nous espérons la lueur du jour, de la lumière.

« Les yeux de la foi ». Ces yeux vont s’ouvrir pour l’aveugle Bartimée de l’évangile. Si la lumière du jour lui fait défaut, il a en lui, dans le cœur, une petite lumière – l’espoir, l’envie, le désir de s’ouvrir au jour. Cette lumière le sort de lui-même en un cri. « Fils de David Jésus prends pitié ». « Je suis dans le noir… » mais regarde. Les yeux de la foi s’ouvrent dans une rencontre, le désir de l’un et la confiance offerte de l’autre. « Confiance lève-toi il t’appelle ». La confiance, le regard d’un autre ouvre les yeux… les yeux de la foi. Je ne me vois plus comme avant, je ne vois plus la réalité comme avant. La confiance chasse la peur. C’est parce que quelqu’un nous a appelé, nous a vu, que nous voyons. Les yeux de la foi s’ouvrent à cause de la foi d’un autre, d’une autre pour nous. Ce qui jusqu’ici paraissait impossible devient possible.

Un aveugle peut jeter son manteau qui l’enveloppait, seul bien qu’il possédait, pour aller à la rencontre de celui qui s’est arrêté et l’appelle. Il bondit et court… les yeux de la foi permettent ce bond en avant, cette course… Les yeux de la foi débarrassent de la peur. Ils permettent de voir le trou de l’aiguille pour passer vers la vie.

Avec les yeux de la foi l’aveugle est sauvé, avec les yeux de sa chair, guéri, il peut se mettre en route avec les disciples, avec la foule. J’ai envie de dire qu’il y voit clair au moment où Jésus entre dans Jérusalem pour y souffrir et y mourir. Il voit peut-être plus clair que la foule qui espère encore un triomphe de Jésus, plus clair que les disciples qui espèrent de bonnes places. En tous les cas, ce sont les yeux de la foi qui permettent au centurion, voyant comment Jésus avait expiré, de dire: « Cet homme était le Fils de Dieu ». Les yeux de la foi voient déjà la lumière de la Résurrection briller au plus profond des ténèbres de la mort. Ce sont les yeux de la foi qui nous permettent de nous relever, d’avancer, peut-être encore à tâtons.