Par Franck GACOGNE

Marc 7, 31-37

« Effata ! », c’est-à-dire : « Ouvre-toi ! ». Qui donc dois s’ouvrir, et à quoi ? Cette rencontre est inédite, il n’y a que l’évangile de Marc qui en parle. Très curieusement, c’est d’abord Jésus qui s’est fait entendre dire « ouvre-toi » ou presque ! Tiens ! Mais qui donc à eu le toupet ? Une femme, juste avant ce passage. Jésus est dans le territoire de Tyr, un territoire païen, une femme vient lui demander d’expulser un esprit impur de sa fille, mais Jésus lui répond sèchement que sa mission et le salut ne concernent que les juifs. Nullement troublée par cette réponse, cette femme persiste dans sa demande en disant à Jésus qu’elle aussi cherche malgré tout à bénéficier de la grâce donnée. Ainsi, elle l’invite à s’ouvrir, elle l’invite implicitement à élargir sa mission au-delà même peut-être de ce que Jésus lui-même avait pu envisager. Et d’ailleurs, c’est ce qu’il fera en répondant à sa demande.

Il quitte ensuite ce lieu tout en restant en territoire païen, c’est le passage que nous venons d’entendre. Non seulement il ne refuse plus maintenant de guérir le sourd-muet qu’on lui amène, mais à son tour, c’est Jésus qui va l’inviter à s’ouvrir. Les gens qui sont autour, lui demande de poser la main sur lui, mais Jésus décide de faire bien plus que cela. Jésus ne se tient pas à distance, il ne lui dit pas : « ouvre tes oreilles, ouvre ta bouche ». Non, Jésus s’approche, il le touche, par ses gestes, il le recrée par ses mains et par son souffle pour le faire renaître à la vie, Jésus accomplit un acte créateur, puis il lui dit « Effata ! », c’est-à-dire : « Ouvre-toi ! ».

Jésus ne l’invite pas à ouvrir seulement sa bouche et ses oreilles, mais toute vie, toute sa personne. Jésus lui donne la capacité de s’ouvrir au monde dans les deux sens et lui demande de la mettre en œuvre, à la fois pour accueillir ce monde qui s’ouvre à lui, mais aussi en offrant sa vie à ce monde en s’ouvrant à lui. Je crois que cette rencontre nous concerne aussi. Je crois que chacun de nous peut se laisser interpeler par la recommandation de Jésus : « Effata ! Ouvre-toi ! ». A quoi dois-je m’ouvrir ? La lettre de saint Jaques est assez explicite sur ce point vous avez entendu : il invite ses frères dans la foi à n’avoir aucun partialité envers les personnes, à faire comme Dieu qui choisi ceux qui sont pauvres aux yeux du monde pour en faire des riches dans la foi.

Nous avons entendu dans le psaume :

« Le Seigneur ouvre les yeux des aveugles,

le Seigneur redresse les accablés,

le Seigneur aime les justes,

le Seigneur protège l’étranger. »

En effet, il l’a fait en Jésus, et le soir du jeudi saint, il dit à ses disciples : « c’est un exemple que je vous ai donné pour que vous fassiez de même ».

La détresse de tant de migrants frappe à la porte de mon cœur, de ma famille, de mon Eglise, de mon pays, et Jésus nous dit à nous : « Effata ! Ouvre-toi ! ». Parce qu’il y a infiniment plus d’hommes et de femmes qui n’entendent pas le cri des hommes ou qui n’en disent rien, qu’il n’y a de sourds et de muet… cette interpellation s’adresse à moi. Il en va de la cohérence et de la vérité de l’évangile que nous annonçons.

Seigneur Jésus donne-moi assez d’attention pour ouvrir mes oreilles et mes yeux, donne moi assez de courage pour ouvrir ma bouche et mon cœur, et donne moi assez d’audace pour ouvrir mes frontières. Amen.