Par Franck GACOGNE

Nombres 11, 25-29 ; Jacques 5, 1-6 et Marc 9, 38-43.45.47-48

Louange à toi Seigneur Jésus ! Je ne sais pas si vous vous rendez compte de ce que vous venez dire. A l’invitation de Christian d’acclamer la Parole de Dieu, d’un seul chœur tout le monde l’acclame en effet : louange à toi Seigneur Jésus ! C’est le réflexe de l’habitude, Vous avez entendu comme moi la parole que nous sommes censé acclamer : « Si ta main est pour toi une occasion de chute, coupe-la, de même pour ton pied ou ton œil s’ils sont une occasion de chute ». Mais enfin toute personne normalement constituée aurait commencé par hurler, par crier au scandale avant de jurer de ne plus jamais retourner dans une église. Non ? Alors de deux choses l’une : ou bien nous n’avons pas bien entendu ces paroles, ou bien nous savons les interpréter pour ne pas en être perturbé.

De toute évidence, Jésus, celui qui guérissait les aveugles, n’a jamais exigé de ses auditeurs qu’ils s’éborgnent volontairement ! Comme les prédicateurs de son temps, Jésus utilise une image excessive pour mieux souligner ce qu’il veut dire. Ne tombons donc pas dans le piège d’une lecture littérale et donc fondamentaliste du texte. Le caractère scandaleux et inapplicable des recommandations de Jésus prouve, s’il est était besoin, que cette parole n’est jamais à prendre au pied de la lettre. Ces paroles de Jésus sont volontairement percutantes avec toutes la même finale : « il vaut mieux entrer manchot, estropié ou borgne dans la vie éternelle que d’être jeté indemne dans la géhenne ». C’est à dire que ce qui est visé, c’est le Royaume de Dieu, la vie éternelle. Et cette vie avec Dieu, c’est un bonheur de l’expérimenter dès aujourd’hui, mais elle est aussi exigeante, elle suppose des concessions, des coupes franches dans les choix que nous pouvons faire. Par exemple, quand St Jacques dit aux riches de son époque : malheur à vous !, il ne leur dit pas cela parce qu’ils sont riches, mais parce que cette richesse peut devenir un fardeau bien plus qu’une facilité pour vivre l’évangile d’une façon radicale.

Servir, annoncer célébrer. Ces trois verbes viennent baliser notre projet paroissial et notre célébration. Quand on réfléchi à l’une des attitudes les plus marquantes de Jésus. Bien souvent, on pense à la cène du lavement des pieds reproduite dans l’église St Etienne. Mais n’oublions pas le sens que donne Jésus à son geste : « Vous m’appelez “Maître” et “Seigneur”, et vous avez raison, car vraiment je le suis. Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. » Non pas rendre service au passage, furtivement, mais « Servir ». C’est une attitude profonde, choisie, fondamentale qui construit la fraternité, elle nécessite le regard et l’attention du cœur pour permettre à toute personne rencontrée de donner le meilleur d’elle-même. C’est le premier pilier de notre baptême.

Vous avez entendu la première lecture, certains proches de Moïse s’offusquent parce que deux hommes prophétisent sans mandat, sans avoir été choisis, peut-être même sans être qualifié. On le rapporte à Moïse mais celui-ci s’exclame « Ah ! Si le Seigneur pouvait faire de tout son peuple un peuple de prophètes ». Annoncer un Dieu qui est « Tout Amour », être témoin de la foi qui grandi en nous, ce n’est pas réservé à quelques-uns. Non. Il n’y a pas d’un côté ceux qui sont qualifiés, nous dit le pape François, et de l’autre ceux qui bénéficient de leurs actions. Tout chrétien est missionnaire dans la mesure où il a rencontré, où il a perçu l’amour de Dieu en Jésus-Christ (EG 120). Et qui de nous ne l’a jamais perçu. Annoncer, parce que je ne suis pas propriétaire de la Bonne Nouvelle que je perçois. La Parole rend mon cœur tout brulant et elle est destinée à tous. Que, par chacun de nous, de la façon qui lui semblera la plus appropriée, elle puisse rayonner et se répandre. C’est le deuxième soutien, celui de l’approfondissement de la foi et de l’annonce.

                J’aime quand une assemblée est diverse, quand nous n’avons ni le même âge, ni le même pays d’origine, quand nous n’habitons pas le même quartier car alors on comprend mieux que ce n’est pas le club des initiés qui se retrouve, mais bien plutôt le peuple de Dieu que le Christ rassemble. Ensemble, nous revivons le mystère du Christ qui vient s’immerger, s’incarner au plus profond de notre humanité pour nous faire renaître à sa vie, pour que nous devenions Celui que nous recevons. Célébrer fait grandir notre relation au Christ, mais aussi notre capacité à nous reconnaître frères et sœurs. C’est le troisième et le dernier pilier.

Servir, annoncer, célébrer. Ces trois dimensions sont à la source du baptême. Vous remarquerez que si l’une des trois est absente de notre vie, ou beaucoup moins présente, la stabilité n’est plus assurée. Par ce projet paroissial missionnaire, chacun de nous est invité à évaluer l’importance qu’il donne à chacune de ces dimensions afin repérer où rééquilibrer l’assise.

Mais…, quoi qu’il en soi, ne nous attardons pas avec trop de scrupules, quittons vite nos sièges pour sortir aux périphéries. Car c’est là que le Christ nous attend. Amen.