Par Franck GACOGNE

Marc 7, 1-8.14-15.21-23

Des grand parents viennent me voir, désabusés et attristés : « vous savez, mes enfants, mes petits enfants, ils ne pratiquent plus du tout…. ». Des invités découvrent au cours d’un repas que je suis prêtre : « vous savez, il faut qu’on vous dise : on ne vient pas souvent à la messe ! ». Qu’est-ce que cela veut dire ? Que le seul marqueur du catholicisme serait d’aller à la messe ? Reconnaissons que pour une majorité de baptisés, l’Eucharistie de ne fait pas sens, qu’elle ne rejoint pas l’expérience qu’ils vivent.

La foi chrétienne ne doit jamais contraindre les personnes à faire ou à ne pas faire quelque chose contre leur conscience. La foi chrétienne ce n’est pas s’enfermer dans un légalisme pour se conformer à la « tradition des hommes » (comme dit l’évangile), se conformer à un modèle de chrétiens supposé parfait et pur, et dont le signe de reconnaissance serait exclusivement le fait d’aller à la messe. Ne mettons pas la charrue avant les bœufs. La question qui m’intéresse, c’est d’abord celle-ci : « Est-ce qu’ils ont, est-ce que nous avons une vie authentiquement chrétienne, c’est d’ailleurs la question que pose Jésus à ses disciples : « que sort-il de toi ? » c’est-à-dire est-ce que pour eux, pour nous, le dialogue, l’attention aux autres, le soutien, la solidarité, en un mot le service des autres d’une manière désintéressé ; est-ce que c’est quelque chose qui nous tient à cœur. Est-ce que nous avons l’impression que ces gestes, ces attitudes peuvent faire grandir l’humanité en fraternité. C’est sans doute cela qu’il nous faut d’abord évaluer. Et réjouissons-nous, oui, réjouissons-nous que les chrétiens n’en est pas le monopole. Mais ce n’est pas pour autant qu’ils en sont dispensés comme s’ils devaient se démarquer, s’identifier autrement. Au contraire, c’est à cause de cela que l’on entends parfois dire : ils ne sont pas « meilleurs » que les autres ! Si ils sont, si nous sommes convaincu de cela et que nous le vivons, alors oui, vraiment, sincèrement, je crois qu’aller à la messe viendra donner une résonnance, viendra unifier et donner du sens à tous ces engagements en y faisant apparaître la foi en Jésus-Christ qui les nourrit, parce que c’est de cette façon-là que le Christ a donné sa vie. La célébration n’apparaîtra plus comme un rituel froid, parachuté et peu compréhensible, la célébration sera tout à coup source de révélation ou de conversion, elle sera habitée, animée.

Ne me faite pas dire ce que je n’ai pas dit : je n’ai pas dit qu’il ne fallait pas aller à la messe, ni qu’il ne fallait y aller que si l’on avait prouvé sa capacité à être solidaire et à s’engager pour les autres. Il y a des personnes, notamment des catéchumènes pour qui c’est parfois d’abord d’avoir participé une fois à une messe qui aura transformé leur vie. Pour certain, une belle liturgie, un silence habité a pu servir d’électrochoc, le sentiment d’être touché par Dieu, et engendré une prise de conscience, celle que sa propre vie peut être changée, menée d’une toute autre façon. La messe n’aura pas été un en soi, mais le tremplin pour tourner sa vie vers les autres et vers Dieu. Ce qui importe, c’est qu’il y ait une véritable cohérence, une harmonie féconde entre ces deux pôles indissociables de notre vie chrétienne, que l’un soit vérifié par l’autre et réciproquement. Aller à la messe, ce n’est pas être quitte. Bien au contraire, c’est d’abord être reconnaissant envers Dieu pour ce qu’il donne, puis c’est être engagé, obligé envers les personnes que nous rencontrons, par les propos que nous tenons, enfin par tout ce qui sort de nous.

En un mot, la messe n’est pas une fin (FIN), mais un moyen. C’est d’ailleurs les textes du Concile qui nous le disent admirablement, pour tout sacrement : « à la fois le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu, et de l’unité de tout le genre humain ». Nous sommes bien sur les deux pôles : celui de la rencontre de Dieu, de l’action de grâce dans la célébration : « l’union intime avec Dieu », et celui du service des hommes à laquelle la célébration nous exhorte et nous envoie : « l’unité de tout le genre humain ». Voilà bien ce qui se joue dans cette rencontre entre Jésus et les pharisiens. Les scribes et les pharisiens sont très attaché au rituel, à la tradition des anciens, mais pour quoi, en 2 mots, en vue de quoi ? Et Jésus leur répond : « ce peuple m’honore des lèvres, mais son cœur est loin de moi ». Et Saint Jacques dans la deuxième lecture est encore plus clair, je cite : « Mettez la Parole en pratique, ne vous contentez pas de l’écouter : ce serait vous faire illusion. Devant Dieu notre Père, un comportement religieux pur et sans souillure, c’est de visiter les orphelins et les veuves dans leur détresse, et de se garder sans tache au milieu du monde.».

Notre participation à la messe, doit être le révélateur, la nourriture, le carburant d’une vie chrétienne. Dans une demi-heure, nous allons être envoyés : « Allez dans la paix du Christ » Qu’allons nous donc faire après la messe ? Que souhaitons-nous vivre cette semaine, que souhaitons-nous vivre cette année ?