Par René BEAUQUIS

Jean 6, 60-69

Avec cet évangile que nous venons d’entendre, nous arrivons à la fin du discours sur le Pain de Vie, discours qui a été nos lectures d’évangile ces trois derniers dimanches.
Le récit d’aujourd’hui nous dévoile la crise que Jésus a suscitée en déclarant qu’il fallait manger sa chair et boire son sang pour avoir la vie éternelle.
La majorité de ses auditeurs est scandalisée par ses paroles et va l’abandonner. Ne lui restera fidèle que le noyau des douze disciples.
Ce moment marque un tournant important dans la vie de Jésus. Il a échoué dans sa tentative de faire comprendre qu’il était le Pain de Vie, la Nourriture divine dont nous avons besoin pour vivre en vrais fils ou filles de Dieu.
Nous comprenons facilement que les auditeurs de Jésus soient choqués par de pareilles paroles et se demandent : « comment cet homme peut-il donner sa chair à manger ? » Il va de soi que pour ces gens qui ne pouvaient voir en Jésus qu’un homme, ces paroles étaient inadmissibles, car elles étaient perçues comme une invitation à l’anthropophagie.
Jésus d’ailleurs n’est pas étonné par la défection de la plupart ; il sait bien que c’est difficile à comprendre, car à ce moment-là, il n’est pas encore passé par la mort et la résurrection. Pour la plupart des gens, Jésus n’est pas Dieu, il n’est que le fils de Marie et de Joseph.
Jésus se trouve devant un refus de foi. C’est le reproche qu’il fera souvent aux gens de sa génération, surtout aux pharisiens et aux scribes qui lui demandaient des signes, c’est à dire des miracles qui prouvent qu’il est vraiment le Fils de Dieu.
Des miracles, Jésus en a fait beaucoup, mais ses opposants ne les ont vus que comme des actes de puissance; il leur a manqué l’intelligence du cœur pour les découvrir comme des gestes d’amour et de salut, leur dévoilant l’identité de notre Dieu d’Amour. C’est l’amour de son Père que Jésus est venu révéler aux hommes, mais les pharisiens et les scribes n’ont pas pu le découvrir, trop sûrs qu’ils étaient de se sauver eux-mêmes par l’observance de la loi.
Ceux qui ont été saisis par l’amour de Jésus lors des actes de salut qu’il faisait à l’occasion de ses miracles, se sont mis à croire qu’il venait nous dire l’Amour de son Père.
Croire c’est accepter de renoncer à ses propres lumières pour faire confiance aux paroles de Jésus. Nous voyons que ses disciples y sont parvenus, notamment Pierre qui confirme son attachement à Jésus par ces parles :  » A qui irions-nous, tu as les paroles de la vie éternelle. »
En vivant trois ans en compagnie de Jésus, les disciples on fini par comprendre et croire que ses gestes d’amour ainsi que ses paroles exprimaient la voix et le cœur de Dieu le Père, sa vie et son Esprit.  » Les paroles que je vous ai dites sont Esprit et Vie » précise Jésus lui-même.
Pour aider ses auditeurs à comprendre et à croire que l’invitation qu’il fait de manger son corps et de boire son sang, se situe non pas au niveau charnel mais spirituel, Jésus précise que « c’est l’Esprit qui fait vivre, la chair n’est capable de rien. »
Comme le Christ est maintenant ressuscité, c’est à son corps glorieux et spiritualisé, c’est à dire libéré des lois de l’espace, du temps et de la physique que nous communions.
Pour nous nourrir spirituellement de son corps et de son sang, Jésus, lors de l’institution de l’eucharistie, a pris du pain et du vin comme symbole de son corps et de son sang. Grâce au pain et au vin devenu, par l’Esprit Saint, le corps livré et le sang versé de Jésus, nous communions d’une façon spirituelle à sa vie d’amour qu’il a manifestée dans toute son existence jusqu’au don de sa vie sur la croix.
J’ai connu le temps, avant Vatican II, où peu nombreux étaient ceux qui communiaient à la messe. Aujourd’hui, il semble que tout le monde communie.
C’est bien, mais à la condition que la démarche de communion ne devienne pas banale et garde la dignité d’une rencontre amoureuse avec le Christ ressuscité qui ne vient pas en nous régler nos problèmes de santé, d’emploi ou de réussite à des examens, mais nous aider à vivre tous nos moments, qu’ ils soient de joie ou de peine en vrais fils ou filles de Dieu que nous sommes devenus au jour de notre baptême.
Comment le Christ, Pain de Vie nous aide-t-il ? Quand nous mangeons du pain ordinaire nous l’assimilons, mais quand nous mangeons le Christ Pain de Vie, c’est lui qui nous assimile et nous transforme à sa ressemblance.
Si nous communions avec la volonté de nous laisser assimiler et transformer, le Christ nous donne d’être comme lui « Corps livré et Sang versé », c’est à dire d’aimer nos frères avec son amour.
Ce faisant, communion après communion, nous devenons de plus en plus fils ou filles de Dieu, capable de reproduire ses gestes ou ses paroles d’amour dans notre monde. Nous devenons, selon st Paul, d’autres Christ.
Nous savons qu’en recevant la vie du Christ au baptême nous sommes devenus des membres de son Corps qu’est l’Eglise. En communiant à l’Amour du Christ, nous grandissons dans son amour universel et permettons à l’Eglise de continuer sa présence sur notre terre pour manifester l’Amour de son Père.