Par Franck GACOGNE, Michèle SAGE et Madeleine RICHARD

Joël 2, 12-18 ; 2 Corinthiens 5, 20 – 6, 2 et Matthieu 6, 1-6.16-18

Commentaire à partir du livre de Joël 2, 12-18

« Revenez à moi de tout votre cœur… Déchirez vos cœurs et non pas vos vêtements ». Quand les jeunes disent aujourd’hui « ça déchire grave ! », c’est que ce qu’ils vivent est vraiment très fort. Le prophète Joël invite à la conversion, il se fait le porte-parole de Dieu qui invite à « revenir » vers lui. Pour les hébreux, on manifestait sa démarche de pénitence et de conversion en déchirant ses vêtements (c’était aussi un signe de deuil), comme pour monter qu’on s’éloigne des préoccupations matérielles. Eh bien le prophète Joël invite en effet à s’éloigner de ces préoccupations non pas en le montrant ostensiblement à l’extérieur, mais en le vivant réellement à l’intérieur. Voilà pourquoi il reprend le signe de la déchirure, mais en invitant à « déchirer non pas ses vêtements, mais son cœur ».

Déchirer son cœur, voilà quelque chose de fort. Le cœur est symboliquement le centre de gravité, et biologiquement le centre de vitalité de la personne. Décider de le « déchirer », c’est l’ouvrir et donc s’ouvrir, c’est le rendre perméable et donc se rendre accessible à la rencontre authentique de l’autre. Décider de le « déchirer », c’est aussi choisir d’entreprendre une conversion réelle et profonde de tout son être. Le déchirer, c’est laisser le Seigneur me regarder authentiquement non pas avec un regard accusateur, mais libérateur, il n’a qu’un seul désir, y transfuser sa vie, mais jamais sans mon consentement.

Déchirer son cœur, voilà l’attitude qui nous est proposée pour cette entrée en carême. Attention, elle n’est en rien triste ou morne bien au contraire, la déchirure laisse passer la vie, elle laisse percevoir la fête de Pâques que le carême prépare. Comme le dit le pape François, ne soyons « pas des chrétiens qui semblent avoir un air de carême sans Pâques », avançons résolument et joyeusement le cœur ouvert à tous pour que le carême déchire !

Franck GACOGNE

Commentaire à partir de la lettre de Paul : 2 Corinthiens 5, 20 – 6, 2

A l’appel de Dieu, à son initiative, saint Paul, à la suite du prophète Joël, nous exhorte : « laissez-vous réconcilier avec Dieu », renouez l’Alliance délaissée, mise de côté par votre infidélité, par votre péché : vouloir vivre sans Dieu.

Seul Dieu pour nous ajuster à Lui, par son Fils. Jésus, identifié au péché, donc solidaire de notre humanité, nous sauve par sa passion et sa résurrection.

Avec la liberté que Dieu nous laisse, nous donne, il incombe à chacun et en Eglise, d’accueillir ou non, le don de l’alliance pour devenir ses coopérateurs.

Le choix est urgent.

Puissions-nous, en ce temps de Carême, vivre, le plus pleinement possible, en Fils de Dieu et en Frères, jusque dans les périphéries.

Michèle SAGE

Commentaire à partir de l’évangile de Matthieu 6, 1-6.16-18

Nous ne sommes pas encore parvenus à la sainteté ? Ne nous désolons pas ! L’Eglise nous propose une nouvelle chance ! Et nous savons pouvoir compter sur la miséricorde de Dieu : Il nous accueille si nous désirons revenir à Lui… comme à la Source. Pour faire pénitence, le peuple juif pratiquait déjà l’aumône, la prière et le jeûne. Jésus leur donne une autre dimension.

« Quand tu fais l’aumône, que ta main droite ignore ce que fait ta main gauche ».Nous ne donnons toujours que ce que nous avons reçu ! : du temps, de l’argent, un savoir-faire, de la présence ou de l’écoute. Donnons ce qui nous a été donné, sans attendre de retour de la part des hommes, pour ne pas nous encombrer d’un amour-propre satisfait ou d’une prétendue avancée spirituelle. Penser seulement à donner comme Dieu lui-même : il sème… en abondance… même sur les terres arides et les sols pierreux, donnons gratuitement à qui demande. Partageons et en même temps abandonnons ce qui nous encombre, libérons-nous, nous avancerons plus légers.

« Quand tu pries retire-toi dans la pièce la plus retirée et prie ton Père qui est présent dans le secret » se retirer, c’est faire taire le tapage extérieur mais aussi les bruits intérieurs : tous les parasites que sont les pensées négatives, les fantasmes. C’est tourner notre regard vers le Christ et nous laisser regarder par Dieu. C’est là seulement dans le secret que peut se faire un retournement du cœur, une conversion, un approfondissement de notre rencontre avec Dieu.

« Toi, quand tu jeûnes parfume-toi la tête, lave-toi le visage » On voit souvent le temps de carême comme un temps d’effort et d’austérité. C’est celui d’une rencontre. Si le jeûne nous invite à perdre des kilos ce sont surtout les « kilos qui pèsent sur le cœur » : l’amour-propre, le désir de reconnaissance, la vaine gloire, les paroles négatives, les aigreurs, les manques de pardon, la tristesse. « La tristesse est un péché dit Péguy je crois, parce qu’elle est le refus de tirer parti des fécondités de l’infortune ». Comment bien accueillir quelqu’un dans la tristesse ? En ce sens le jeûne nous libère, nous allège et nous rajeunit. Il nous prépare à la rencontre et à la joie.

Soyons joyeux de rentrer en carême. Il est une marche à la rencontre de notre Dieu.

Madeleine RICHARD