Par Franck GACOGNE

Jonas 3, 1-5.10 ; 1 Corinthiens 7, 29-31 et Marc 1, 14-20

   Dans un repas de famille, quand en plein milieu de brouhaha joyeux des conversations vous prenez tout à coup la parole pour dire devant tous : « j’ai quelque chose à vous dire… » En générale, il y a comme un grand silence qui se fait, car tout le monde sent que vous avez quelque chose de très important à annoncer qui n’est pas encore connu, c’est une bonne ou une mauvaise nouvelle, c’est une décision importante, c’est de toute façon quelque chose qui vous touche profondément. Et vous avez décidé d’en parler là, ce jour-là. Qu’est-ce que c’est difficile de se lancer et d’oser : depuis quelques temps déjà, vous avez eu beaucoup d’appréhension : comment cette nouvelle va être reçue, comprise, accueillie ? Et bien l’histoire de Jonas, c’est exactement celle-là. Le Seigneur s’adresse à lui pour lui demander d’aller annoncer aux habitants de Ninive qu’ils doivent changer de vie et se convertir. Jonas se lève, mais il s’enfuit dans la direction opposée tant cette mission lui semble insurmontable. Pourtant, cette demande du Seigneur le poursuit et ne le lâche. Après toute une aventure, le Seigneur lui renouvelle sa demande (c’est le passage que nous venons de lire), et cette fois-ci, Jonas décide d’assumer, et il va annoncer aux habitants de Ninive qu’il leur reste peu de temps pour se convertir. Et là, c’est la grande surprise, car les habitants reçoivent sa parole et la suivent, si bien que la menace qui planait sur eux s’évapore. Jonas n’avait pas perçu qu’il pouvait être écouté et compris, et surtout il n’avait pas perçu qu’en fin de compte Dieu était bon et qu’il désirait sauver tous les hommes. Les aventures de Jonas sont racontées dans la Bible que vous recevez ce soir.

   Les lectures de ce dimanche sont je crois une invitation à méditer sur le temps qui passe et sur la réponse que nous donnons à l’appel du Christ. Dans les trois lectures, tout se passe dans l’immédiateté, dans la précipitation comme s’il y avait urgence. Il ne faut qu’une seule journée à Jonas pour convaincre les habitants de Ninive la grande ville païenne de se convertir alors qu’il fallait trois jours pour la traverser. Paul affirme qu’avec le Seigneur Jésus, un nouvel espace s’est ouvert, un espace qui doit nous faire réaliser que ce que nous vivons quotidiennement ne durera pas, nous vivons dans un monde en perpétuel changement, en perpétuel recomposition au gré des saisons, des avancées technologiques, des pouvoirs politiques ou de la folie des hommes. De plus en plus vite tout devient dépassé à nos yeux. Le Seigneur Jésus vient proposer dans nos vies, dans ce monde qui passe, d’être de ses disciples. La façon d’être disciple du Christ a bien changé depuis 2000 ans, et pourtant, il y a toujours la même urgence à le redevenir sans cesse, à fonder notre vie sur sa Parole vivante, à nous abreuver de cette Bonne Nouvelle, ces évangiles qui traversent les siècles et qui ne cessent de faire surgir des témoins, des disciples pour aujourd’hui.

   Y-en-a-t-il parmi vous qui regarde « The voice » ou « nouvelle star » à la télé ? Dans l’évangile, Jésus rassemble autour de lui des frères. Au départ, ce sont de simples pêcheurs, et il veut les faire devenir pêcheurs d’hommes. Sauf que dans l’évangile, le casting semble bien précipité et peu réfléchi, le critère d’embauche semble complètement hasardeux : Jésus passe par là, et choisi ceux qu’il voit ! Une mission d’une telle importance ne devrait-elle pas être confiée à des tribuns expérimentés, aguerris à la confrontation verbale. Eh bien non, aucun test d’aptitude, aucun entretien d’embauche, ni même une période d’essai n’est demandée. Jésus appelle, et la réponse est immédiate. Jésus fait le pari que tout homme, toute femme peut être porteur de la Bonne Nouvelle. Parce que cette Bonne Nouvelle, l’Evangile, c’est tout autant la parole qu’ils devront porter par l’annonce du Royaume ; que ce qu’ils sont eux-mêmes : de pauvres pêcheurs, a priori bien incompétents en tout autre domaine, et pourtant les premiers choisis par Dieu. La Bonne Nouvelle n’est pas qu’une parole à entendre, mais elle se donne aussi à voir, dans la personnalité inattendue de ceux qui la portent. Ces pêcheurs deviennent alors eux-mêmes Bonne Nouvelle pour tout le peuple. Que chacun de nous par ce qu’il est et par ce qu’il porte devienne Bonne Nouvelle, c’est-à-dire Evangile pour tous ses proches.