Par Franck GACOGNE

1 Corinthiens 7, 32-35 et Marc 1, 21-28

Difficile de faire l’impasse sur cette deuxième lecture, surtout quand on ose la terminer par l’exclamation « Parole du Seigneur » comme nous y invite systématiquement les nouveaux lectionnaires. Oui, ces propos de saint Paul sur le mariage nous font grincer des dents ! Nous les écoutons poliment, parce que nous savons nous tenir dans une église, mais ils nous font marmonner, parce qu’en effet, nous ne voyons pas bien en quoi le choix du mariage réduirait notre souci d’être aux « affaires du Seigneur », c’est à dire notre capacité à pouvoir vivre authentiquement de notre foi. Mais nous savons aussi que réagir ainsi d’une façon épidermique, c’est jouer le jeu d’une lecture fondamentaliste qui consiste à sortir de son contexte un tout petit passage soit pour l’absolutiser soit pour le rejeter, mais sans chercher à le mettre en perspective et en articulation avec l’ensemble du livre d’où il est issu. Nous avons dit « Parole du Seigneur » pour terminer cette lecture, mais 5 versets plus loin, Paul a la délicatesse de dire que ce qu’il vient d’exprimer est son opinion personnelle. C’est également dans cette même épître qui parlera au chapitre 12 du Corps du Christ pour qualifier l’Eglise avec la nécessité que ses membres soient variés. C’est encore dans cette lettre qu’il nous offrira « l’hymne à l’amour » au chapitre 14 avec ces mots : « J’aurais beau être prophète, avoir toute la science des mystères et toute la connaissance de Dieu, et toute la foi jusqu’à transporter les montagnes, s’il me manque l’amour, je ne suis rien ».

J’en viens à l’évangile. Je ne sais pas si vous avez remarqué, ces derniers temps dans les medias, nous parlons beaucoup d’éducation et du rôle de l’école dans cette tâche. Un enseignant qui est « autoritaire », nous le fuyons, nous n’en sommes pas satisfait, car nous avons l’impression qu’il cherche à nous contraindre, qu’il veut nous oppresser par son attitude et par ses paroles ou son idéologie. En revanche, un enseignant qui « a autorité », c’est bien différent, nous l’apprécions, nous buvons ses paroles parce qu’elles libèrent, parce qu’elles dilatent notre conscience, parce qu’elles sollicitent notre intelligence. Eh bien, si la renommée de Jésus se répand, c’est non pas parce qu’il est « autoritaire », mais parce qu’il « fait autorité », l’expression revient deux fois dans l’évangile ; mais c’est aussi parce que les actes qu’il pose attestent, renforcent et donnent une assise à ses paroles.

Jésus a une parole percutante et nouvelle. Les habitués de la synagogue dressent l’oreille, car ce jour-là, ce qu’ils entendent, ce n’est pas le ronron habituel des scribes, mille fois répété avec leur discours convenu et connu d’avance. Non, cette fois-ci, la parole de Jésus tranche, elle s’élève, et marque les esprits. Bien plus que cela, elle devient agissante en accomplissant l’autorité qu’elle dégage. A quoi bon en effet entendre des discours revigorant s’ils ne réjouissent que le cœur et l’esprit, alors que mon corps ou ma vie sociale quant à eux, restent en souffrance, possédés ou marginalisés. Jésus réalise une libération totale, pour offrir une vraie liberté à la personne dans toutes ses dimensions. Un homme est tourmenté par un esprit impur, et bien que cet esprit fasse exprimer à cet homme des propos qui sont tout à fait juste sur l’identité de Jésus : « tu es le Saint, le Saint de Dieu », Jésus intervient pourtant vigoureusement pour le libérer de cet esprit qui le possède, quitte à ce que cet homme ne soit peut-être plus capable de dire ensuite qui est Jésus. Mais ce qui semble être important et premier pour Jésus, c’est que la personne dans toutes ses dimensions soit unifiée. Jésus ne profite pas d’un état de faiblesse psychologique pour se constituer des adeptes. Bien au contraire, il rend à chacun sa dignité, il dénonce le mal, et il délivre cet homme de ce qui entrave sa liberté pour qu’en conscience il soit capable, ou non, de renouveler son acte de foi.

« Qu’est-ce que cela veut dire ? » Suite à cet événement, cette question est posée par Marc dans l’évangile. Il est peut-être utile de nous la poser. Qu’est ce que cela veut dire sur ma manière de transmettre, d’éduquer ? Qu’est-ce que cela veut dire sur ma manière d’être en Eglise ? Seigneur, donne-moi d’accueillir et de savoir vivre de la vraie liberté que ta Parole me donne.