Par Damien GUILLOT

Matthieu 22, 15-21

            Frères et Sœurs, il paraît que les ennemis de ton ennemi deviennent tes amis. Les pharisiens sont des juifs et ne supportent pas l’oppresseur romain. Ils sont prêts dans le mal qu’ils veulent faire à Jésus à se compromettre en s’associant à des partisans d’Hérode qui eux soutiennent le pouvoir romain pour mettre à l’épreuve Jésus dans sa parole. S’il répond qu’il ne faille pas payer l’impôt à l’empereur pour soutenir le peuple juif opprimé par les romains, il se met à dos le pouvoir romain, s’il répond qu’il faille payer l’impôt, il se met à dos les nombreux juifs qui le suivent. Comme les pharisiens le disent eux même, sans le croire, voilà comment le Maître toujours vrai, qui enseigne le vrai chemin de Dieu sans se laisser influencer par personne, car il ne fait pas de différences entre les gens répond : « Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu ». Voilà une phrase qui m’interpelle pour aujourd’hui dans une société laïque où l’Eglise parle de nouvelle évangélisation. Certains ont utilisé cette phrase pour justifier une séparation entre ce qui touche à la société et ce qui touche au religieux. Une séparation au point où parfois, le religieux est renvoyé à la sphère du privé, du personnel, de l’intime, de l’espace sacré. Un extrême où aucun mot, aucune présence ne peuvent plus être dits et ne peuvent plus être vécus dans l’espace publique, un extrême où la dimension spirituelle de l’être humain au sens très large n’est pas prise en compte. En 10 ans d’études de médecine, je n’ai jamais entendu parler de l’être spirituel qui marque les patients que nous soignons. La dimension spirituelle étant renvoyée à la psychologie ou à la sphère privée dont on ne parle pas. Or dans le combat contre la maladie : oh combien, la dimension spirituelle sera importante. Autre exemple où Mgr BARBARIN montrait que cette notion de laïcité est interprétée de manière très diverse. La direction d’un hôpital au nom de la laïcité refuse une rencontre avec l’évêque quand un autre qui apprenant la visite de l’évêque au sein de son établissement nous fait la demande expresse de le rencontrer. Qu’est ce qui appartient à Dieu, qu’est ce qui appartient à l’homme ? Tout appartient à Dieu et Dieu a tout confié à l’homme. Aujourd’hui où les chrétiens dans notre société sont minoritaires, où les références chrétiennes n’existent plus, comment nous nous situons ? Comment est ce que nous partageons l’espérance, la joie, le bonheur de la foi qui nous habitent à ceux qui nous entourent ? Bien sur, il ne s’agit pas de remettre en cause la loi de 1905 séparant l’Eglise et l’Etat, de remettre en cause la nécessaire autonomie de l’enseignement ou du pouvoir politique qui permet de se protéger de tous les extrémismes, des partis pris limitant la place possible pour tous mais oser simplement prendre en compte cette dimension spirituelle qui dans notre foi nous engage dans le monde où Dieu se trouve où tout devient sacré, qui dans notre foi nous engage à rendre compte de ce qui nous habite dans le respect et l’ouverture aux autres.

Par René BEAUQUIS

L’évangile d’aujourd’hui nous apprend que déjà au temps de Jésus, le prélèvement de l’impôt, comme tout ce qui touchait au porte-monnaie était une zone particulièrement sensible. C’est sur ce terrain sensible que les pharisiens vont tendre à Jésus un piège dont ils pensent qu’il ne s’en sortira pas. Ils posent à Jésus cette question : « Est-il permis ou non de payer l’impôt à l’Empereur ? »

Si Jésus répond oui, il s’oppose aux pharisiens et se discrédite auprès du peuple qui, comme nous autres, détestait payer cet impôt. Si sa réponse est non, il devient suspect de contestation du pouvoir romain et risque d’être dénoncé comme opposant au régime d’occupation romaine.

Ce piège que ses adversaires croyaient imparable, Jésus le déjoue avec une autorité étonnante. « Hypocrites ! » leur lance-t-il, nullement dupe de leur malice. Oui, hypocrites, car la question qu’ils posent à Jésus, ils l’ont déjà résolue pour eux-mêmes, car, de fait, ils paient tous l’impôt. Ils ne peuvent pas faire autrement ; le fisc romain est intransigeant.

Jésus demande à voir une pièce. On sait que cette pièce était frappée à cette époque avec l’inscription « Tibère divin César » Depuis Jules César divinisé après sa mort, et depuis Auguste, les empereurs romains prenaient le titre de dieux. A la fin du premier siècle, Domitien se fera rendre un culte de son vivant. Des chrétiens ont été persécutés et sont morts pour avoir refusé de l’adorer.

Et Jésus de poser la question : « Cette effigie et cette légende de qui sont-elles ? » De l’empereur César répondent-ils. Alors Jésus leur répond « rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu »

Par cette réflexion, Jésus fait remarquer que la légende ne correspond pas à l’effigie. César est empereur, mais il n’est pas Dieu, et Dieu n’est pas empereur, ce qu’aucun juif ne peut contester ; à chacun sa place. Et la place de Dieu pour Jésus ne peut entrer en concurrence avec celle des hommes, fussent-ils empereurs.

On a posé à Jésus une question piège sur l’impôt ; Jésus se place sur un autre registre, celui du rapport entre le pouvoir et la religion.

Aujourd’hui l’Eglise, où qu’elle soit et quelles que soient ses légitimes préférences, peut être tentée ou contrainte de choisir et de favoriser un système contre un autre, parce qu’il lui parait plus favorable. Mis à part le cas où elle doit dénoncer fermement un système foncièrement pervers, elle court le grand risque de s’inféoder, c’est-à-dire de se mettre sous la dépendance du parti ou du système qu’elle prône. Cette situation peut se retourner contre elle, cela s’est vu au cours de l’histoire de l’Eglise.

Cela ne veut pas dire qu’il faille interpréter « rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu » comme une invitation à laisser la religion à la sacristie et à penser que la politique ne concerne en rien la foi ou l’éthique chrétienne. Certes l’évangile ne contient pas de schéma portant l’étiquette d’une société. Il nous faut le redire aujourd’hui parce que parfois certains hommes politiques seraient tentés de tirer la couverture de l’évangile sur leur projet pour mieux aguicher les chrétiens. Mais, il reste que le rôle de l’Eglise, fidèle à la parole du Christ est de rappeler sans cesse les valeurs de foi et d’humanité sur lesquelles elle est fondée. Sa mission est de défendre les droits de Dieu et, à la lumière de ceux-ci les droits de l’homme dans toutes ses dimensions y compris la dimension religieuse. L’Eglise doit être une force qui interpelle, une force qui conteste aussi tout ce qui opprime l’homme. Elle propose d’incarner les valeurs chrétiennes dans les relations humaines. Tel est son rôle de sel de la terre et de ferment du monde.

Le concile Vatican II a dit beaucoup de choses sur le rôle de l’Eglise dans le monde d’aujourd’hui à partir de l’engagement que peuvent avoir les laïcs. Voici ce que l’Eglise nous dit à propos de l’engagement politique : « Tous les chrétiens doivent prendre conscience du rôle particulier et propre qui leur échoit dans la communauté politique : ils sont tenus de donner l’exemple en développant en eux le sens des responsabilités et du dévouement au bien commun. » C’est une citation de la Constitution Gaudium et spes de Vatican II.

Voici une autre réflexion tirée de Lumen Gentium. « La vocation propre des Laïcs consiste à chercher le règne de Dieu précisément à travers la gérance des choses temporelles qu’ils ordonnent selon Dieu. Ils vivent au milieu du siècle, c’est-à-dire engagés dans tous les divers devoirs et travaux du monde, dans les conditions ordinaires de la vie familiale et sociale dont leur existence est comme tissée. A cette place, ils sont appelés par Dieu pour travailler comme du dedans à la sanctification du monde, à la façon d’un ferment, en exerçant leurs propres charges sous la conduite de l’esprit évangélique, et pour manifester le Christ aux autres avant tout par le témoignage de leur vie, rayonnant de foi, d’espérance et de charité. »

Etre ferment ou sel de la terre, signifie, être habité par l’amour du Christ ressuscité pour qu’en nous et par nous, il soit présent et agissant en notre monde. Que cette eucharistie nous donne l’occasion de nous redonner au Christ pour que nous soyons ses témoins et les ouvriers de son Royaume.