par Franck GACOGNE

Jean 6, 51-58

Les paroles très crues de Jésus dans ce passage ne trouvent leur sens que dans son dernier repas quand en prenant une nourriture aussi ordinaire que du pain et du vin, il dit : « ceci est mon corps livré pour vous, ceci est mon sang versé pour vous ». C’est dans ce pain et ce vin donnés de ses propres mains que nous saisissons que c’est sa vie qu’il nous offre. Il se réalise comme un transfert de sa vie vers la notre, ou plutôt une incorporation, une domiciliation réciproque parce que St Jean affirme que se nourrir de la vie de Jésus, c’est vouloir demeurer en lui, et le laisser demeurer en moi. Je crois que c’est un peu comme quand nous invitons à la maison un ami auquel on tient beaucoup. Nous aimons, en lui ouvrant la porte, lui souhaiter la bienvenue en lui disant : « tu es chez toi, fais comme chez toi ». Tout à l’heure, nous irons communier. Une personne nous donnera le pain de Vie en disant « le Corps du Christ » que nous puissions dire à haute voix « amen » et immédiatement ajouter dans une prière silencieuse : « tu es chez toi, fais comme chez toi », c’est-à-dire, aide moi Seigneur non seulement à t’accueillir au cœur de ma vie : c’est le « Tu es chez toi » ; mais aussi convertit moi de l’intérieur pour que je devienne Corps du Christ, pour que je désire être membre de ton Eglise en marche : c’est le « fais comme chez toi ».

En recevant le Corps du Christ, nous ne recevons pas un don, mais nous recevons le Donateur lui-même qui, avec notre consentement, s’établit chez nous comme chez lui pour nous permettre de faire de notre propre vie un don. Mais nous ne sommes pas anonymement les uns à côté des autres pour recevoir individuellement la vie de Dieu. Non, dans l’eucharistie, notre présence réalise, elle édifie le corps du Christ et manifeste son unité. C’est saint Paul qui le dit aux chrétiens de Corinthe : « la multitude que nous sommes est un seul corps, car nous avons tous part à un seul pain ».

Du pain pour un si grand mystère qu’est l’Eucharistie ! Cela peut nous sembler si commun et banal, mais c’est parce que Jésus veut rester accessible et simple. Dès le début, Jésus naît à Bethléem dont le nom signifierait étymologiquement « maison du pain », c’est dans une mangeoire qu’il est déposé. Et nous avons chez Jean ce grand discours du chapitre 6 où Jésus déploie pour ses disciples cette identité : « je suis le pain vivant, le pain descendu du ciel ». Toute sa vie n’est donc qu’offerte pour nous nourrir.

Et aujourd’hui, il se donne à nouveau quand nous apportons à l’autel le pain, le vin le fruit de nos vies et l’espérance de chacun. Notre contribution, notre démarche est requise. Et à travers les prêtres ordonnés pour servir, Damien, André, moi-même, chrétiens avec vous et prêtres pour vous, l’Esprit Saint vient consacrer cette nourriture la plus simple pour que nous soyons nourrit de la vie de Dieu. Dans une lettre pastorale, le P. Barbarin disait qu’à l’inverse de ce que nous mangeons habituellement, cette nourriture spirituelle ne se transforme pas en notre chair et notre sang, c’est au contraire elle qui nous transforme, parce que nous devenons ce que nous mangeons.

Vous vous en souvenez sans doute une autre année, je vous avais demandé quel était le groupe sanguin de Jésus, et on en avait conclu que ce devait être O-. Parce que Jésus, c’est le donneur universelle de vie. Tous peuvent le recevoir. Dans l’eucharistie, nous sommes transfusé, nous recevons la vie même de Dieu pour devenir des vivants et à notre tour des donneurs de vie.

Je termine avec ce verset de l’évangile que nous avons entendu : « celui qui me mangera vivra par moi » Est-ce que nous saisissons l’étendue et la conséquence de notre geste de communion : Vivre par Jésus. Un peu comme quand St Paul disait « je vis, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi » Vous l’avez remarqué, c’est précisément de cette façon que la prière eucharistique atteint son sommet : « par Lui, avec Lui et en Lui. »

Que le Corps et le sang du Christ viennent régénérer en nous la vie de Dieu.