par Franck GACOGNE

Jean 11, 1-45

        Dans ce long récit mais que nous n’avons pas lu entièrement, par trois fois, Jésus est mot à mot « bouleversé d’une émotion profonde ». Il a pleuré non seulement parce que son ami Lazare était mort, mais aussi parce qu’il était atteint par la souffrance de Marthe et de Marie. Jésus a beau être source et pivot de la résurrection, croire en la résurrection, n’est pas un antidote, une sorte de tranquillisant face à la tristesse, face à la mort et la séparation brutale. Alors si une telle souffrance nous déchire, nous pouvons nous présenter à Dieu comme Jésus, avec nos larmes et nos pourquoi. Jésus quittera alors la place du face à face pour se mettre à côté de nous dans la compassion, compagnon de la même passion. On se trompe souvent sur la puissance de Dieu. Car en fait, Jésus n’est pas puissant parce qu’il serait au-dessus de tout cela ; non, c’est tout le contraire, il est puissant précisément parce que, bien que Fils de Dieu, il choisi d’être avec nous, et comme nous, dans tout cela !

        Ce réveil, cette remise debout de Lazare est un signe fort de l’évangile de Jean, car ce signe vient nous révéler qui est Jésus, bien plus qu’il ne nous dit quelque chose sur Lazare d’ailleurs. La remise debout de Lazare est le signe qui vient nous révéler que Jésus porte et offre la vie de Dieu, et que la mort n’a pas le dernier mot. C’est le message central de cet évangile, au point que cela devienne même l’identité de Jésus puisqu’il se présente en disant : « Moi, je suis la résurrection et la vie ».

        L’histoire de Lazare, c’est aussi celle d’une libération. Lazare est lié par des bandelettes, son visage est voilé, il est sans vie, enfermé dans un tombeau devant lequel on a roulé une pierre. Bref, tout a été barricadé pour qu’il ne soit plus ni vu, ni accessible. Nous le savons, dans notre société, ce qui fait peur, ceux qui sentent la mort sont bien souvent aussi reclus, parqués dans des lieux de telle sorte qu’ils ne soient plus eux aussi, ni vus, ni accessibles. Dans l’évangile, Jésus en a la gorge noué, et ses paroles ne visent qu’à rendre la liberté : « enlevez la pierre… viens dehors… déliez-le… laissez-le aller ». Dans son exhortation apostolique, le pape François nous interpelle sur les situations où des hommes, des femmes sont enfermées, dans la pauvreté, dans la précarité, dans un statut qui de l’extérieur leur est donné (réfugié, migrants, sans papier, sdf, sans emploi…). Il lance un appel, pour qu’à la suite du Christ, chaque baptisé soit un acteur de la libération et de l’intégration des pauvres dans notre société. Voici ce que le pape écrit dans son exhortation « La joie de l’Evangile » : « Chaque chrétien et chaque communauté sont appelés à être instruments de Dieu pour la libération et la promotion des pauvres, de manière à ce qu’ils puissent s’intégrer pleinement dans la société ; ceci suppose que nous soyons dociles et attentifs à écouter le cri du pauvre et à le secourir. » (N°187)

        Mais le pape va beaucoup plus loin en nous demandant aussi d’être attentif à ce que nos lieux d’Eglise leur soient accessibles. Car s’ils ont besoin de vêtement, de nourriture et d’amitié, n’auraient-ils donc pas le droit d’entendre aussi, et plutôt deux fois qu’une : « je suis la résurrection et la vie ». Voici donc ce que le pape François ajoute : « je veux dire avec douleur que la pire discrimination dont souffrent les pauvres est le manque d’attention spirituelle. L’immense majorité des pauvres a une ouverture particulière à la foi ; ils ont besoin de Dieu et nous ne pouvons pas négliger de leur offrir son amitié, sa bénédiction, sa Parole, la célébration des Sacrements et la proposition d’un chemin de croissance et de maturation dans la foi. L’option préférentielle pour les pauvres doit se traduire principalement par une attention religieuse privilégiée et prioritaire. » (N°200)

        Que notre chemin aille donc jusqu’au bout avec ceux auprès de qui nous sommes attentifs. Que nous sachions dans notre paroisse être invitant, et accompagnant, que nos initiatives leur soient accessibles, et que nous puissions nous enrichir de les vivre ensemble, de grandir les uns par les autres en humanité, en fraternité et dans la foi en un Dieu qui nous veut libre, qui nous rend libre. Amen.