par Franck GACOGNE

Philippiens 2, 6-11

        S’il y a un seul texte des lettres de Paul que nous devions apprendre par cœur, il faudrait que ce soit celui-ci. Car nous avons bien là toute la révélation de Dieu, c’est-à-dire que ce passage nous manifeste qui est le Dieu des chrétiens. Cet hymne aux philippiens nous décrit deux mouvements :

        Le premier du haut vers le bas est à l’initiative du Christ Jésus. C’est un mouvement de descente, d’une condition divine supposée riches d’attributs, lointaine, dominatrice ; à une condition de serviteur des hommes, en se faisant homme. « Le Christ Jésus, lui qui était dans la condition de Dieu, n’a pas jugé bon de revendiquer son droit d’être traité à l’égal de Dieu ; mais au contraire, il se dépouilla lui-même en prenant la condition de serviteur ». Il se dépouilla. En grec, c’est le mot kénose qui mot à mot veut dire « se vider », « se rendre creux ». Dans ce dépouillement, Jésus demeure intégralement et toujours le Fils de Dieu, mais il se vide de tous les artifices, de tous les qualificatifs qui étaient habituellement attribués à un Dieu tout-puissant. Maintenant nu, en creux, voilà qu’il peut revêtir la condition humaine, être un homme de son temps. Jésus, dans cet abaissement, va aller « jusqu’à mourir, et à mourir sur une croix ». Il ne pouvait pas descendre plus bas dans la condition humaine que subir l’infamie d’une mort réservée aux criminels… mais quand Dieu se fait homme, il n’en oublie aucun. Ce mouvement de descente verticale, nous l’avons tous tracé sur nous tout à l’heure en faisant notre signe de croix. Ce mouvement vient croiser une ligne horizontale, l’horizon de nos vies : le Christ, qui vient surgir dans notre temps qui s’écoule de la gauche vers la droite, il vient prendre ce temps, le vivre, l’assumer, l’aimer.

        Le deuxième mouvement que décrit cet hymne de St Paul : c’est une remontée qui cette fois-ci est à l’initiative du Père : « c’est pourquoi Dieu l’a élevé au-dessus de tout : il lui a conféré le Nom qui surpasse tous les noms… ». Jésus, Fils de Dieu et vrai homme se voit attiré vers le Père, qui lui donne son Nom, sa vie. Voilà tout à coup que par Jésus nos vies à chacun sont appelées à être en Dieu, à devenir Dieu. L’amour manifesté ainsi jusqu’au bout a engloutis la mort, car Dieu lui donne sa vie. Si Jésus prend la condition des hommes en descendant, c’est pour que nous puissions prendre la condition de Dieu en montant vers Lui. Je ne suis pas sûr que nous ayons, à sa juste mesure, pris conscience combien ce cadeau de Dieu pour l’homme est phénoménal ; pourtant exprimé dans la simplicité d’une croix portée en bijou, dans nos maisons, au sommet des montagnes ou à la croisée des chemins…

        J’ai la conviction que toute la foi chrétienne se résume à une courbe que l’on appelle une parabole, qui d’un point haut descendrait jusqu’à un minimum pour remonter. C’est vrai dans le credo que nous réciterons tout à l’heure : […] Jésus-Christ, Fils unique de Dieu, il est Dieu, de même nature que le Père […]. Pour nous les hommes, et pour notre salut, il descendit du ciel, il s’est fait homme, il souffrit sa passion et fut mis au tombeau. […] Il ressuscita le troisième jour et il monta au ciel, il est assis à la droite du Père. C’est vrai dans le baptême, qui plus est quand il est fait par immersion : plongé dans la mort et la résurrection de Jésus, pour renaître à une vie nouvelle.

        Comment être témoin de cette Bonne Nouvelle ? Par exemple en se faisant proche, en étant attentif à tout ceux pour qui les souffrances et les difficultés de leur vie est une croix qui les enfonce. Jésus est venu les prendre par la main. Et moi, à qui vais-je donner la mienne ?