par Franck GACOGNE

Matthieu 5, 13-16

        Ce passage d’évangile vient juste après celui des Béatitudes, voilà des images de la vie de tous les jours : le sel, la lumière. Jésus le dit à ses disciples : « vous êtes le sel de la terre, vous êtes la lumière du monde ». Je ne crois pas que Jésus leur dise cela pour les flatter ou les complimenter, je pense plutôt qu’il leur adresse un appel, une invitation à être toujours plus sel de la terre et lumière du monde. Il adresse cette exhortation à ses disciples et à chacun de nous, puisqu’il nous le dit au présent. Parce que si nous le sommes aujourd’hui « sel de la terre » et « lumière du monde » nous avons en fait toujours à le devenir, à le redevenir… Alors je vous pose cette question : Quand on a été baptisé il y a longtemps sommes-nous moins chrétien aujourd’hui qu’au jour de notre baptême ? Et bien en fait, on ne l’est ni plus ni moins, mais à une condition, c’est de rester en marche. Car si nous arrêtons notre marche qui consiste tout au long de notre vie de baptisé à rechercher le goût de Dieu et à rayonner de son amour, alors, stopper notre marche, ne plus tenir tout nos sens en éveil, c’est prendre le risque que le sel que nous sommes se dénature, et que la lumière que Dieu a mise en nous ne soit plus visible.

        Prenons chacune de ces deux images : avant que l’on ait tous chez soit frigo et autres congélateurs dans beaucoup de familles, on conservait autrefois les aliments dans le sel. C’est encore vrai dans quelques pays du sud. Etre sel, ce n’est pas être conservateur, je n’ai pas dis cela, mais c’est entretenir cette Alliance précieuse que Dieu a conclu avec les hommes pour que nous puissions en vivre chaque jour. Je ne suis pas très doué en cuisine, mais je sais que le sel est cet élément si important qui permet invisiblement de relever le goût de chacun des ingrédients d’un plat sans jamais se substituer à eux. Le sel n’est pas là pour lui même. Il est le complément qui va faire exceller le plat, la petite touche invisible qui va redonner de la joie, de la saveur, du bonheur à être ensemble. Le sel ne s’impose pas, il ne laisse pas de traces, il se dissout. Pas assez et tout est fade. Trop et c’est immangeable. « vous êtes le sel de la terre », comme une invitation à nous fondre dans la vie des hommes pour en relever le goût, pour proposer à d’autres de savourer le bonheur qu’il y a à suivre le Christ en leur servant sa Parole. Dans cette tâche, on ne peut pas compter que sur soi, nous sommes invités à être « sel de la terre » les uns pour les autres, il faut pouvoir dire comme on le fait souvent à table entre époux, entre parents et enfants, entre amis : « passe-moi le sel s’il te plait ! ». On reçoit le sel d’un autre, la saveur qu’il porte. Que dans les couples, les familles, dans un groupe de partage, chacun de nous puisse chercher à « relever » la vie de l’autre, et en retour se laisser assaisonner par l’autre. Je crois que le Christ a de la saveur. Ruminer sa Parole et en vivre pimente, et donne du goût à la vie.

        « Vous êtes la lumière du monde », c’est la deuxième image que Jésus nous adresse. La première lecture, celle d’Isaïe nous indique ce que cela signifie qu’être lumière. La lumière est liée à l’amour et à la solidarité manifestée aux autres, être lumière, c’est avoir le sens du prochain. Comme le sel, la lumière n’est pas là pour elle même, ce n’est pas elle que l’on regarde, mais c’est par elle, grâce à elle que l’on voit. La lumière dissipe les ténèbres. Dans l’évangile de Jean, Jésus dit : « je suis la lumière du monde » alors il ne nous demande pas de prendre sa place, mais en quelque sorte de jouer le rôle des miroirs qui accueillent sa lumière pour la réfléchir, pour la diriger vers des lieux de notre existence où tout semble parfois bien obscure. Jésus nous dit qu’il a besoin que sa lumière passe à travers nous. Trop de lumière et nous risquons d’aveugler, d’éblouir ; pas assez et l’on s’égare, on perd son chemin, on perd peut-être la foi même. Car cette lumière qu’est le Christ, l’évangile nous demande de ne pas la cacher ou de la garder jalousement pour soi. Au contraire, nous sommes invités à la réfracter par notre vie pour qu’elle brille devant les hommes.

    Vous avez remarqué que de ces deux images, le sel et la lumière, Jésus ne nous demande pas de choisir l’une ou l’autre. Il ne nous demande pas de choisir entre l’enfouissement de sa foi au cœur du monde à la manière du sel ; ou bien l’annonce plus explicite de la Bonne Nouvelle à la manière de la lumière qui brille. Non, c’est bien par ces deux façons là que Jésus nous appelle à vivre de notre baptême. C’est en fin de compte la même exigence, celle de la diffusion et du rayonnement de la Parole de Dieu.

        Donne-nous ton Esprit Seigneur, pour que nous sachions porter ta saveur et être ce sel de la terre. Ravive en nous la flamme de la foi pour que ta lumière brille et éclaire les hommes d’aujourd’hui. Amen.