par Franck GACOGNE

Jean 1, 29-34

        Quand on a une nouvelle très importante à communiquer à quelqu’un, comment s’y prend-t-on ? Je ne sais pas, par exemple des jeunes gens qui veulent annoncer à leurs parents qu’ils ont l’intention de se marier… ou alors une nouvelle plus douloureuse, quand un médecin doit annoncer à son patient une maladie grave… Et bien globalement il y a deux manières de s’y prendre, il y a ceux qui amèneront la nouvelle prudemment et progressivement d’une façon calculée et longuement étudiée, avec mille et une précautions, en préparant le terrain. Et puis inversement, il y a ceux qui iront franco et qui lâcheront la nouvelle de but en blanc sans détour, mais qui ensuite prendront le temps d’expliquer le pourquoi du comment.

        Eh bien c’est cette deuxième méthode qui est utilisée par l’évangéliste Jean. Le but des évangiles est de nous faire découvrir qui est Jésus, Jean nous le dit à la fin de son évangile au chapitre 20 : « ces signes ont été mis par écrit dans ce livre, afin que vous croyiez que Jésus est le Messie, le Fils de Dieu, et afin que, par votre foi, vous ayez la vie en son nom ». L’intention et la nouvelle majeur à annoncer, c’est donc celle-ci, c’est pourquoi au tout premier chapitre que nous venons de lire, Jean va décider dès le départ de nous dévoiler l’identité de Jésus : « Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » et un peu plus loin : « c’est lui le Fils de Dieu ». D’entrée de jeu, Jean l’évangéliste percute, il va droit au but, il ne tourne pas autour du pot : « c’est lui le Fils de Dieu » et c’est ensuite dans tout son livre qu’il va dérouler, développer, nous faire comprendre comment Jésus est Fils de Dieu.

        Il y a un peu plus d’un an lors d’une célébration du pardon, nous avions expérimenté l’histoire du professeur avec son bocal. Vous la connaissez ? Le professeur devant ses élèves prend un grand bocal en verre vide et le rempli de gros cailloux jusqu’à ce que plus un seul ne puisse rentrer. Puis il demande à ses élèves qui scrutent ses gestes : « Est-ce que mon bocal est plein ». Unanimement tous répondent « oui bien sûr ! ». Puis il sort de sous son bureau un sachet rempli de gravier et le verse dans le bocal. Bien sûr le gravier se glisse entre les pierres jusqu’à ras bord. Puis il repose la même question à ses élèves « et maintenant, est-ce que mon bocal est plein ? » Cette fois-ci, sûr d’eux ils répondent « oui, complètement ». Alors le prof sort un sachet de sable fin et verse son contenu dans le bocal, repose la même question, et termine par de l’eau jusqu’à raz bord. Puis le prof dit à ses élèves : « et bien vous voyez, on pourrait comparer cette expérience à notre propre existence : les grosses pierres représentent les choses véritablement importantes dans notre vie, par exemple la famille, l’amour, la santé, les relations, (le prof ne le dis pas, mais je rajouterai volontiers la foi chrétienne), ces choses qui font que même si on perd tout le reste et bien notre vie demeure bien remplie. Le gravier représente des choses qui sont importantes mais pas essentielles le confort, la voiture, l’argent. Enfin les grains de sable peuvent être comparés aux choses sans importance. Et bien si vous commencer par mettre dans le bocal le sable, il n’y aura plus assez d’espace pour le gravier, et encore moins pour les pierres ». « C’est lui le Fils de Dieu » Jean va à l’essentiel tout de suite afin de pouvoir ensuite placer ce qui est moins essentiel. Mais nous, c’est vrai que lorsque nous annonçons, lorsque nous parlons de notre foi, souvent nous préférons la méthode prudente et progressive, et cela se comprend, cela nous semble logique, et peut-être même plus respectueux ; mais, c’est au risque de ne plus pouvoir dire le cœur, l’essentiel.

        Il puis il y a une autre expression que l’évangéliste emploie pour désigner Jésus : « Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde ». Une phrase que nous prononçons ou que nous chantons presque machinalement tous les dimanches. Voilà pourtant une phrase bien mystérieuse, que pouvons-nous en comprendre ? Je vous propose une interprétation. A mon avis, il faut d’abord bien saisir que cette désignation de Jésus comme « l’agneau de Dieu » ne peut se dire et bien se comprendre qu’après la mort sur la croix et la résurrection. C’est même longtemps après cet événement de Pâques que Jésus a été désigné ainsi. C’est au moment de la grande fête juive de Pâques que Jésus comme les autres juifs dispersés dans toute la région se rend à Jérusalem. Mais pour lui, la fête va tourner au vinaigre. Alors que, comme le veut la tradition, tous vont au temple pour offrir à Dieu un agneau en sacrifice en signe de leur attachement à la Loi et en signe de fidélité à Dieu. Jésus lui va être arrêté, condamné et crucifié, innocent comme ces agneaux pour la fête. Si Jésus est désigné comme l’agneau de Dieu, c’est parce que lui aussi va mourir. Mais attention, personne ne sacrifie Jésus, ni Dieu son Père, ni ceux qui le condamne. Il y a un concours de circonstances qui le conduise là. Et puis toute sa vie, Jésus s’est donné librement, et quand arrive le danger, l’angoisse le prend bien sûr, mais son désir de continuer à tout donner de sa vie est plus fort. Il reste fidèle, jusqu’à l’extrême. Par cette attitude, Jésus dépasse et surmonte le mal et le péché de toute l’humanité qui semble se concentrer sur lui. Voilà comment je comprends cette désignation : « il est l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde ». Sur la croix, Jésus demande à son Père : « pardonne leur, ils ne savent pas ce qu’ils font… » Voilà aussi peut-être de quoi percevoir la profondeur des paroles que Jésus prononce en prenant la coupe et que nous redisons à chaque eucharistie : « Prenez, et buvez en tous, car ceci est la coupe de mon sang, le sang de l’Alliance nouvelle et éternelle, qui sera versé pour vous et pour la multitude en rémission des péchés ». Amen